Après « Notti Ruffiana », Crimi fait paraître le deuxième extrait de son nouvel album, mis en images par le vidéaste Tangui Le Cras.
Il y a cinq ans, le chanteur et saxophoniste Julien Lesuisse, membre du combo lyonnais Mazalda (notamment vu avec Sofiane Saïdi sur le très bon El Ndjoum), se lançait dans une réconciliation très intime avec un passé jusqu’alors contrarié.
Comme nombre de familles, la sienne, venue de Sicile à une époque où demeurer en Italie n’était pas le choix économique ou politique le plus évident qu’il soit (le Fascisme de Mussolini s’implante de l’autre côté des Alpes de 1922 à 1945), avait dû quitter le pays afin de s’implanter ailleurs.
Vient ensuite le temps de l’assimilation, que toutes les familles, italiennes ou non, ont connu en arrivant sur une terre nouvelle. Tout réapprendre. Les mots, les valeurs, les idées. Tout reconstruire. Voir naître à nouveau. Oublier certaines choses et se rappeler d’autres. Comme ces chansons, populaires du côté de la Trinacria — l’île aux trois pointes — que la grand-mère de Julien fredonne souvent lorsque la mélancolie gagne l’esprit et se faufile jusqu’à la pointe des lèvres. Transmettre une culture et l’attraction pour l’histoire des ancêtres, ça se fait aussi, et parfois, de cette manière-là.
C’est cette histoire que Julien, devenu Crimi — le nom de sa grand-mère — revisite avec ce projet musical qui puise dans le répertoire des musiques siciliennes, les mêle avec les musiques raï (qu’il a appris à connaître avec les compères de Mazalda), créée un univers où les ombres de Syracuse, d’Oran, de Messine et d’Alger forment ensemble de nouvelles silhouettes. Celle d’un premier album, Luci E Guai, joué sur Nova en 2020 par le biais du morceau « Mano d’Oro ». Celle d’un second désormais, qui sort bientôt et dont est issu le morceau « A Sira ».
« Un homme, la quarantaine, nous apparait comme dans l’incapacité de sortir de chez lui, une maison hors du temps, dont il semble être le seul occupant. On le retrouve pourtant dans sa chambre, se préparant à la fête, cabotinant devant son miroir, s’inventant un personnage que l’on devine chargé de fantasme. A l’issue de cette préparation minutieuse, osera t’il franchir la porte et vivre sa vie ? »
La vidéo, signée Tangui Le Cras, filme un garçon — Julien, leader et chanteur du projet — confronté à ses propres démons et dans l’incapacité d’assumer pleinement le bond de l’autre côté du miroir. Comme un écho à cette difficulté, lorsque les ancêtres ne sont pas d’ici, de comprendre vraiment la terre d’où sont parties les racines.
Scuru Caurau, le second album de Crimi, sort le 28 avril chez Airfono / 42 Records (le label où sortent les disques d’Andrea Laszlo de Simone, un autre amoureux de culture italienne). Nous vous le recommandons aussi chaudement que nous vous recommandons les terrasses de Palerme au printemps. Mais c’est, là encore, une autre histoire.