Des albums, il en sort désormais 2520 par semaine (chiffre approximatif). Pour vous aider à faire le tri, voici la sélection hebdo de Radio Nova des albums à ne pas louper.
Agar Agar, Player Non Player
Dans l’océan insondable, tant il est vaste, de groupes de pop made in France qui répètent encore et encore, et faute de mieux, une version ultra-standardisée et édulcorée du genre, le duo Agar Agar fait sans doute figure d’ovni. Il s’impose comme l’un des groupes les plus audacieux, les plus téméraires, les plus inventifs de la scène pop française. Inspirés par l’électro acoustique, la techno, le jazz progressif, les musiques qu’on a retenues du très long Moyen-Âge, Clara Cappagli et Armand Bultheel, qui forment Agar Agar, amènent la pop dans des territoires où les autres ne songent même pas aller. Sur Player Non Player, qui succède aux très réussis Cardan (2016) et The Dog and the Future (2018), le duo propose un disque… en lien avec un jeu vidéo. Lancée en amont et développé par Jonathan Coryn, l’expérience visuelle et sonore immersive est directement liée aux douze nouveaux morceaux. L’album parle tour à tour de l’intrusion dans l’intimité, du besoin de s’échapper des frontières, ou encore… de dragons. Le genre qu’il faut apprendre à chevaucher pour l’apprécier. Et dont, surtout, il ne faut pas avoir peur.
Evergreen, Sign Out
Dans la catégorie groupes de pop français chouchou qui chantent (le plus souvent) dans la langue des voisins d’outre-manche, on salue aussi la sortie du mini-album / long EP d’Evergreen, ce duo centré autour des voix de Michael Liot (ancien programmateur de Radio Nova) et Fabienne Débarre et aidé par le producteur et arrangeur Jon Reich. Une pop qui puise dans le funk (et même dans le G-funk, quelques fois, les dents en or et les lowriders en moins), dans les musiques électroniques, dans les mélancolies qui font parler d’amour, de déconnexion, de pertes et de retrouvailles.
Biig Piig, Bubblegum
À écouter aussi en ce vendredi 20 janvier, la mixtape Bubblegum de Biig Piig, l’Irlandaise, autrice d’un R&B cool, décontracté, sensuel, qui flirte avec le hip-hop, le trip-hop, la pop (« This is what they meant ») qui flotte en apesanteur (« Only One », « Liquorice ») et se mute parfois, surprise, en trip jungle psychédélique (« Kerosene », « Picking Up »). Sucré, vaste et léger comme une jeune femme de 25 piges qui éclate un chewing-gum rosé sur la pochette de sa mixtape.
abracadabra, shapes & colors
abracadabra, formule magique, voici en 2023, les eighties : Talking Heads, ESG, Lizzy Mercier Descloux ou encore Tom Tom Club dans le rétroviseur de ce duo californien basé à Oakland qui fait donc de la pop comme on en faisait quelque quarante ans plus tôt, dans les territoires anglo-saxons. Des lignes de basse groovy, des mélodies malignes, des synthétiseurs omniprésents, pas mal d’exigence, et une sincérité que Chris Niles et Hannah Skelton revendiquent haut et fort, eux qui clament la nécessité, dans des sociétés aussi clivées que celles que nous connaissons, du dialogue qui mène à la compréhension de l’autre.
Mac DeMarco, Five Easy Hot Dogs
En parlant de sincérité, le Canadien Mac DeMarco n’en a jamais été avare, lui qui paraît faire de la musique, chantonner des mélodies sympas et un poil branleuses, comme d’autres lapent une tasse de café tiède le matin au réveil, s’étire avec des bâillements sonores, vivotent et traînassent parce qu’il paraît que rien ne sert de courir, qu’il suffit de partit à point. Sincère, direct. Sympa comme une pop, indie, drôle, folk, qui tape dans le mile plutôt que vous prendre de haut. Five Easy Hot Dogs est dans la lignée du reste, à ceci prêt que le disque, cette fois, est instrumental, après une escapade de Los Angeles à l’Utah, en 2022. Une sorte de tournées sans concerts donnés et où chaque étape (Portland, Vancouver, Chicago, Rockaway…) a donné nom à un morceau qui rappelle le talent de compositeur et de très bon guitariste de ce Canadien décidément plein de ressources.
Ryūichi Sakamoto, 12
Terminons par un souffle de vie. Celui du Japonais Ryūichi Sakamoto, fondateur du très culte Yellow Magic Orchestra dans les années 70. Alors que Yukihiro Takahashi, autre figure du YMO, s’est éteint ces dernières semaines, Sakamoto se trouve lui aussi, et de nouveau, confronté à la maladie. Six ans après sa rémission, un cancer s’est de nouveau manifesté, poussant le prodigieux compositeur japonais dans des retranchements qui auront pris la forme d’un journal musical, rempli en fonction des inspirations, des phases de déception, des espoirs, des traitements plus ou moins efficaces contre le grand vide. Douze morceaux sont nés, comme les douze mois d’une année forcément compliquée, compositions qui témoignent d’une mélancolie bouleversante. Des phases de latence, des envolées discrètes au piano, des moments d’inerties. Des silences. Un disque comme une salle d’attente entre ce qui était hier et ce qui pourrait arriver demain.