Les Bains Festival, rendez-vous de la scène émergente française, avait lieu du 9 au 11 mars. Entre pop, électro, rap et un peu de tout ça à la fois, retour sur cette cinquième édition plus que réussie.
Rue du Bourg l’Abbé. Sur les trottoirs mouillés du 3e arrondissement de Paris claquent les pas pressés de quelques hâtifs de rentrer chez eux. Devant le numéro 7, c’est un tout autre rythme. “Allô, t’es où ?”, “Meuf, dépêche-toi, ça caille là”. Un petit attroupement se forme déjà devant les Bains (anciennement Les Bains Douches). Une fois dans l’imposant vestibule, ce qui saute aux yeux, c’est l’éclectisme de la foule. Des cheveux grisonnants se mêlent à têtes décolorées au style travaillé, semblant à peine sorties du lycée, sneakers aux pieds et lunettes de soleil (même la nuit). Des grappes de trentenaires euphoriques se croisent et se saluent, visiblement habitué·es à se retrouver ici. Tout ce beau monde papillonne dans l’espace à l’architecture si particulière (carrelage damier noir et blanc, murs et plafond écarlates aux courbes sinueuses), illuminé de néons rouges et violets. Que ce soit leur première ou trentième fois ici, tous·tes partagent une énergie résolument festive.
Un établissement mythique
Et pour cause, avant sa renaissance, le lieu était une véritable institution des nuits parisiennes. Dans les années 70 et 80, le tout-Paris se retrouve au bord de sa fameuse piscine. La scène des Bains Douches accueille les Dead Kennedys, Joy Division, Suicide ou Les Rita Mitsouko. C’est sur cette même scène que Depeche Mode donne son premier concert en France en 1981. Mais après 32 ans de fête folle, le lieu ferme ses portes en 2010, laissé alors quasi en ruines par son dernier gérant. L’aventure aurait pu s’arrêter là si le propriétaire historique, Jean-Pierre Marois, n’avait pas repris les rênes en 2011, et reconverti la boîte de nuit en hôtel de luxe et en un restaurant, le Roxo.
Porte ouverte à la création
Depuis 2017, l’établissement accueille également un événement annuel : Les Bains Festival. Trois jours de musique dédiés à la scène émergente, durant lesquels “les portes sont grandes ouvertes à toutes et à tous”, selon Jonathan Fogli et Théo Athlani, les deux programmateurs et directeurs artistiques du festival. “Nous avions envie de créer le nouveau rendez-vous des musiques actuelles, et offrir un tremplin à la jeune création”. La particularité du festival est aussi sa gratuité, parti pris pour “inciter un public varié à venir découvrir le lieu et les artistes sans contrainte”. En effet, pas moins de 30 artistes ont foulé les deux scènes durant l’événement, certain·es pour balancer des punchlines tranchantes (Bob Marlich, James The Prophet et Pab The Kid…), ou enchanter avec des mélodies entêtantes (Nina Lili J, Leo Fifty Five…), tandis que d’autres ont envoyé des DJ sets jusqu’au bout de la nuit (Tatyana Jane, Rebequita…).
La fête en seul mot d’ordre
Jeudi, lors de la soirée d’ouverture du festival, Doppelhandel, duo de musique électronique aux inspirations synthwave et rétro, confie son enthousiasme avant de monter sur scène : “C’est hyper excitant de se dire qu’on passe après Joy Division ! Nous, ce qui nous importe, c’est surtout que les gens s’amusent, et que le moment soit festif”. Et ça n’a pas raté. Certain·es connaissaient leurs morceaux, d’autres non, mais tous·tes se laissent emporter par le rythme pénétrant des synthés et une scénographie aux néons bruts.
Un peu plus tard dans la soirée, on descend les marches, guidé·es par l’équipe de l’hôtel reconvertie en staff de festival pour l’occasion, et une odeur bien particulière, mélange de chlore, de machine à fumée et de parfum, flotte dans l’air. Au fond de la pièce qui abrite le (fameux) bassin est installée la scène “Club”. Et sur cette scène, NINA, une jeune chanteuse qui confectionne une pop française, “un peu cold” selon ses dires. Pour elle aussi, le lieu a toute son importance : “C’est incroyable pour moi de jouer aux Bains. Mon père était barman ici dans sa jeunesse. Et ça fait hyper plaisir de partager la scène avec d’autres artistes qui essayent de faire leur place comme moi, c’est trop rare ce genre de moments”. Les lumières l’éclairent, les lignes de basse résonnent, son timbre de voix puissant remplit la pièce dès la première note. “On t’aime Nina !”
Ceux qui lui succèdent montent sur scène sous les cris excités du public. C’est au tour de Páula, Povoa et Jerge, alias PPJ, de tester une nouvelle formule de live, un hybride DJ set / concert. À peine sortis de l’avion après un séjour au Brésil, (où ils ont bouclé leur nouvel EP qui sortira bientôt) le trio partage, devant un public séduit, une électro-pop dansante avec la même énergie communicative qui ne les quitte jamais. Ce qui les a enthousiasmés dans ce festival, c’est la diversité des styles et des artistes programmé·es durant ces trois jours : “Dans notre discographie, on passe d’un style à l’autre en permanence, on perçoit la création comme une cour de récréation, un espace où il n’y a pas de codes”.
Malgré une communication autour de l’évènement assez discrète, les Bains Festival a fait salle comble, pour le plus grand bonheur des artistes qui ont pu se dévoiler à un public avide de découvertes. Rendez-vous l’année prochaine pour voir de nouvelles têtes se jeter, une fois encore, dans le grand bain.