Le groupe Sud Africain Mahotella Queens a popularisé le Mbaqanga et porté la voix de Soweto à l’international.
Groupe culte dans le panorama musical du township de Soweto en Afrique du Sud, les Mahotella Queens, ont commencé leur carrière dans les années 60, un parcours sonore qui illustre les enjeux de populations extraites d’un milieu majoritairement rural et qui s’adapte à l’urbain, tout en essayant de sauvegarder leurs traditions. Les Mahotella Queens était donc l’un des groupes porte-voix des peuples opprimé par le racisme systémique de l’Apartheid, et se faisant est devenu culte dans la bande-son sud-africaine.
Les voix de Soweto sont indestructibles
L’apartheid, système ségrégationniste, trie la population en classe, qui rationne les droits des individus en fonction de leur couleur de peau. Le système mis en place dans la première moitie du XXe siècle est de plus en plus liberticide, si bien qu’on arrive à une situation ou les noirs n’ont pas le droit d’habiter de à la capitale Johannesburg, mais y travaillent tout de même. Les populations noires sont reléguées en dehors de la ville, en marge de Joburg, dans des townships, comme Soweto, qui accueille des populations déplacées.
Avec les corps viennent les sons et Soweto voit émerger des artistes qui maitrisent les rythmes venus des traditions zouloues et qui les mêlent aux musiques populaires occidentales, en particulier le Jazz. Une nouvelle branche du jazz prend donc racine dans ces townships, le mbapanga, souvent augmenté par des voix qui traitent, des conditions de vie difficiles de ces peuples du township, manière d’exorciser leur douleur, en commençant par la nommer. La musique joue ainsi un rôle d’instrument de résistance culturelle à Soweto.
Le Pélican, club de Soweto, (dont on a parlé dans le précédent épisode de la traque) est un exemple de cette lutte artistique contre les lois racistes. Dans ce club, on pouvait entendre la musique des Mahotella Queens, groupe iconique du Mbaqanga, accompagné du chanteur Mahlathini, « le lion de Soweto ». Ces chansons résonnaient dans des shebeens de toute la ville, des arrières cours dansantes où l’on écoutait de la musique clandestinement, loin des oreilles de l’Apartheid.
La musique des Queens est arrivée jusqu’à nos frontières, en partie grâce à ce fameux Club Pélican où la chanteuse Lizzy Mercier Descloux a passé une soirée alors qu’elle travaillait à la production d’un album sourçant les sons issus des cultures d’afriques du sud. Descloux a par la suite repris le morceau « Kazet » des Mahotella Queens, dans l’album Zulu Rock sous le titre « Mais où sont passées les gazelles ? », ce qui avait causé à l’époque une vive polémique d’appropriation culturelle dans le milieu artistique de l’hexagone.
Et les Queens dans tout ça ? Malgré leur popularité, ces reines de Soweto lâchent leur trône au début des années 70 pour consacrer du temps à leurs familles suite à des embrouilles entre le groupe et leur producteur, le son s’est tu pour un moment. À Soweto, tout le monde espérait un retour sur les planches.
Le Soft Power des Queens
En 1985, une compilation va mettre un coup de projeteur sur le son d’Afrique du Sud, et susciter l’intérêt du reste du monde, et de sa sphère musicale, pour les productions venues de Soweto. Cette compilation, The Indestructible Beat of Soweto, réunit quelques figures de la scène du township, dont les Mahotella Queens. Le message est clair : le système de l’Apartheid n’écrasera pas la volonté des habitants de Soweto.
Maintenant que la planète est mise au diapason, une opportunité s’offre aux Queens de partir en tournée, au-delà des frontières sud-africaines. Ce programme international, The Indestructible Beat Tour, clin d’œil appuyé à la compilation qui a permis d’agréger un nouveau public, emmène les reines loin de l’apartheid, qui restera encore en place quelques années. Le succès de cette tournée témoigne de l’intérêt grandissant pour la musique des Queens.
Ce mois-ci, le label anglais Umsakazo Records a publié sur Bandcamp un album qui rassemble des enregistrements live de ce tour, avec la plupart des dates de leur passage au Royaume-Uni, notamment à l’Astoria Théâtre (salle mythique du rock londonien, qui ferme ses portes en 2009) et dans le club de Camden, l’Electric Ballroom. On y entend le public applaudir ses Queens comme il se doit, et un speaker introduire le groupe en racontant en quelques mots l’origine du mbaqanga. Le son indestructible et politique de Soweto a traversé la terre, et vient sensibiliser des esprits d’autres pays du Commonwealth, un symbole fort, preuve de plus du soft power de la musique.
On vous sert donc des concerts à emporter comme si vous y étiez, tout ça sur la page du label, l’occasion de redécouvrir les classiques d’un groupe d’une importance capitale pour la sono mondiale.