Des albums, il en sort désormais 2520 par semaine (chiffre approximatif). Pour vous aider à faire le tri, voici la sélection hebdo de Radio Nova des albums à ne pas louper.
Gorillaz, Cracker Island
Est-ce parce que le monde moderne paraît parfois ressembler à un immense réseau où les câbles HDMI, les connexions wifis et les partages en AirDrop donnent l’impression d’un grand tout infini et uniforme où l’intime n’existe plus qu’en navigation privée que deux des albums les plus attendus des dernières semaines envisagent la Possibilité d’une île ? Après le très pop album de Caroline Polachek, ouvert par le morceau “Welcome to my Island”, c’est le huitième album de Gorillaz, Cracker Island, qui ouvre la porte aux mondes qui existent au large des terres. Un disque pensé depuis la Californie (drôle d’île, convenons-en), où Damon Albarn a beaucoup voyagé ces dernières années, et enregistré à Londres, qui s’avère sans doute être le plus pop de la carrière de Gorillaz (bien loin, par exemple, du très hip-hop The Now Now). Avec Damon et les figures animées du groupe, quelques figures majeures de la pop made in Californie : Thundercat, Beck ou Tame Impala, qui habite dans le coin, et Bad Bunny, qui doit bien avoir une ou deux connexions dans la cité des Anges.
Voyou, Les Royaumes minuscules
Des îles… et des royaumes. Dans les Royaumes minuscules de ce Voyou au cœur pur et sincère qui arrive avec un second album (le premier, Les bruits de la ville, sortait en 2019 chez Entreprise), chacun peut, à tour de rôle, sentir la pesanteur de la couronne sur sa tête. Chacune peut-être reine et chacun peut-être roi. Insectes, animaux, végétaux, humaines et humains bouleversé.e.s en état de lamentation existentielle ou de relève pleine d’espoir, toutes et tous sont convié.e.s dans ces onze territoires qui forment onze morceaux — dont le plus fort, “L’hiver”, tourne en playlist sur Radio Nova. On gouverne à plusieurs. On échange et on écoute l’autre penser à voix haute. Un disque où les cuivres rencontrent les basses, les percussions de São Paulo (où Voyou a enregistré une partie du disque) et des paroles qui pourraient être issues d’un recueil de comptines que l’on raconterait aux enfants, mais dont les parents profiteraient tout autant. Des moments de vie et des pensées gracieuses devenus les paroles de chansons d’un garçon qui tente de profiter de ce qui compte, qu’il s’agisse des royaumes que l’on trouve au fond du jardin ou des sentiments majuscules qui tissent leurs nids dans les cœurs des plus sensibles. Les Royaumes minuscules de Voyou : la pop française dans ses habits du dimanche… matin, quand tout est encore doux et que la grasse matinée annonce des moments qui auront tout loisir de s’écouler lentement.
Gabrielle Shonk, Across the Room
Cette semaine, on s’apaise aussi à l’écoute de l’album pop, R&B, soul, livré par Gabrielle Shonk, accompagnée sur ce second essai (dont nous vous jouons le single “Aftertaste” sur Nova) par Men I Trust ou Jessee Mac Cormack. La songwritteuse montréalaise chante des douceurs dans l’anglais du nord de l’Amérique et même parfois en français, comme dans le morceau qui conclut le disque, “Quand le calme reviendra”. Le calme ne fait pas de mal puisque dans la foulée, c’est une tempête qui arrive.
Lazuli, Toketa
Tempête, donc. Porté par le travail du producteur lyonnais Izen, la française Lazuli pense, depuis deux EPs, un baile funk reggaeton à la française, une musique moite, irrévérencieuse, sensuelle, émotive, indolente. Sur la mixtape Toketa, bercée par onze titres partiellement chantés en français et en espagnol et méchamment addictifs, quelques hauteurs : les titres “Gasolina”, Sucrée” ou “Toketa”, track pulsé par un sample bollywoodien dont on retiendra cette déclamation épitaphique : “J’aime pas quand t’es censé bébé, j’aime quand tu slides”.
Fakear, Talisman
Et puis, deux albums à écouter l’œil collé au télescope en observant les étoiles… ou au microscope en observant les univers parallèles. Celui de Fakear d’abord qui écoute, échantillonne, sample et joue les rumeurs du monde depuis plus de dix ans. Sur Talisman, ces samples (des sensations d’Asie, d’Afrique ou d’Océanie dialoguent ici et là) sont, de nouveau, mis au service d’une house sur laquelle danser doucement tôt le matin aux aurores ou un peu plus tard le soir au coucher du soleil, au moment où cette musique, qui flirte toujours avec l’electronica, a la possibilité de s’immerger le plus intensément possible.
Boombass, WWWIPE OUT
Le disque de Boombass (ex Cassius), enfin, où la house, encore, se danse en ressentant les saveurs des mondes, comme sur “XXXMEIMEI”, où les synthés, la jungle et les langages des enfants dialoguent… et convoquent une transe douce, organique, produite aussi bien que le sommet tsunamique de WWWIPE OUT, le track “RRRUDE BOY”, dinguerie jungle, house, trip-hop, transe dans lequel il sera possible de se perdre et peut-être bien, de se retrouver.