Aujourd’hui, sorcellerie et magie noire dans la Potion, dédiée aux grimoires légendaires Le Grand et le Petit Albert !
Tous les jours dans Nova Lova, Jeanne Lacaille vous propose une chronique sur les musiques rituelles, les rythmes issus des musiques de guérison (traditionnelles ou repassées à la moulinette des musiques actuelles), des plantes ou bien des savoirs hérités racontés par des invité.e.s un peu sorcier.e.s de passage à Nova. Un podcast réalisé par Tristan Guérin.
Il faut remonter au 13e siècle pour trouver les premières traces de ces fameux traités de magie noire, imprimés pour la première fois en France en 1651, par la maison d’édition lyonnaise Beringos. On ne sait pas exactement qui est l’auteur du Grand et du Petit Albert. Son titre laisse présumer que l’ouvrage fut écrit, ou au moins inspiré, par Saint-Albert le Grand, théologien et professeur à la Sorbonne.
Mais au fil des siècles et des rééditions, des nouvelles séquences apparaissent dans le livre et floutent donc un peu sa véritable paternité. Toujours est-il que cet ouvrage collectif est parvenu jusqu’à nous, et on peut dire que ce n’était pas gagné. Pourquoi ? Et bien parce que Le Grand et Le Petit Albert contiennent un bric-à-brac de recettes secrètes, souvent empruntées à la médecine des Arabes, des Grecs, des Egyptiens ou des Syriens. Des recettes pour être heureux en amour, construire sa fortune ou bien pour conserver la santé ce qui au 13e siècle n’est pas une mince affaire… On y trouve aussi un traité d’astrologie, quelques chapitres consacrés aux vertus de certaines pierres, plantes ou animaux, et des conseils pratiques destinés aux paysans pour booster leurs cultures. Au fil des pages du Grand et du Petit Albert, on apprendra aussi à changer le plomb en or fin, à confectionner des talismans, à élaborer des parfums (un pour chaque jour de la semaine), à voir en rêve la personne que l’on va épouser ou à avoir de la chance aux jeux… Très pratique ! Sauf qu’il y a un hic : Le Grand et Le Petit Albert contiennent aussi des formules très détaillées (souvent bien dégueu) pour nuire à autrui.
Forcément, l’Eglise grince des dents car qui dit magie noire, dit que c’est forcément un coup du Malin ! Alors on le lit en cachette, on le cache sous une poutre du grenier en espérant que les voisins ne poukavent pas… Ce qui est drôle dans cette histoire, c’est que si l’Eglise encourage à fond ses fidèles à brûler leurs exemplaires, Le Grand et Le Petit Albert sont en fait de véritables succès d’édition, vendus à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires ! La clé de ce succès malgré la censure, ce sont les colporteurs, ces dealeurs de livres qui ont largement diffusé Le Grand et le Petit Albert dans les campagnes en les vendant sous le manteau.Aujourd’hui, on trouve encore ce traité de magie dans quelques librairies spécialisées. Au-delà de ses textes, ce qui est intéressant, c’est aussi de voir ce qui préoccupait les alchimistes entre le 13e et 17e siècle. En bref : l’intention est bien scientifique et technique, il s’agit surtout de percer et de manipuler les secrets de la nature à des fins productivistes… Comme quoi le capitalisme couvait depuis longtemps ! Bon, je vous préviens, tout n’est pas bien dans le Grand et le Petit Albert, je pense notamment au nombre incalculable d’animaux innocents sacrifiés dans les recettes ainsi qu’aux chapitres consacrés à la complexité de l’appareil reproductif féminin (un peu à côté de la plaque les moines, ils ne devaient pas en voir souvent des clitoris)…
Mais retrouvez tout de même un petit florilège dans La Potion du jour !
Merci beaucoup à Reza Pounewatchy, Thierry Paret et Tristan Guérin d’avoir prêté leur voix à cette Potion d’alchimistes.
Crédit © Couverture du Le Grand et Petit Albert