Un vortex, du disco et un trip dans le Grand Nord : ballade protéiforme dans une salle parisienne, retransmise en direct sur arte.tv et YouTube.
Salle parisienne, retransmise en direct sur en direct sur arte.tv et YouTube
C’est presque devenu un rituel. Chaque année à la rentrée, l’on s’engouffre dans le parc de la Villette, esquivant les fêtards en plein apéro et les joggers nocturnes pour aller descendre l’escalier métallique qui nous dépose dans l’enceinte du Trabendo pour une soirée ARTE Mix. Le deal du programme est simple : on regroupe la fine fleur de la scène électronique actuelle, avec des newcomers et des figures tutélaires, pour une soirée retransmise en direct sur ARTE. L’objectif est clairement de faire rentrer la culture club dans les salons, en passant par les écrans.
Ainsi, au cours des 12 dernières années, les téléspectateur·ices de la 7 ont eu l’occasion de voir (gratuitement, c’est ça la magie du service public), des performances de pontes de la dance music internationale comme Jeff Mills ou Marcel Dettmann, des légendes de la scène française avec Alan Braxe + DJ Falcon ou les Picard Brothers et les nouvelles valeurs sûres des dancefloor de l’hexagone comme Elise Massoni. Le tout visionnable à souhait sur la plateforme arte.tv.
Bienvenue dans le vortex
En ouverture de cette édition 2024, l’artiste Jacques, vainqueur des Victoires de la musique et fondateur du Centre National de Recherche du Vortex présentait Vidéochose 360°, sa dernière création, qui allie ses productions bruitistes, house et techno avec des images. La méthode de fabrication sonore reste la même : Jacques Auberger capture des sons produits par des objets du quotidien, métamorphosé en instrument au service de la danse. S’y ajoute donc des visuels pensés pour créer un univers utopique, dont nous serons les citoyen·nes une heure durant. En résulte une expérience de concert singulière, parfois déroutante, mais franchement géniale, rythmée par ses prises de paroles sans filtre, ou le bidouilleur s’adresse directement au public.
À peine sortie du Vortex, le Trabendo se transforme en club disco. Aux platines, on retrouve Belaria (que l’on avait croisé cette année au Festival Pete The Monkey), nouvelle sensation de la scène électronique française, révélée en 2021 par le concours Producer Day organisé par la communauté Chineurs de House. Son morceau “Morning Disco Tonic Bongo” avait immédiatement conquis les oreilles des mordus de house et propulsé Charlotte Gautier (puisque c’est son nom) sur les affiches des festivals et club de France. Depuis, la représentante du label Friendsome invite Laurent Garnier sur Rinse France, évolue dans la galaxie italo-disco/dark disco française et remixe d’autres têtes connues du milieu, comme le duo Camion Bazar. Sa performance nous confirme ce que l’on savait déjà, Belaria est une artiste à surveiller de près.
Du grand nord à Kingston
Un vent froid s’infiltre maintenant dans la salle, signe de l’arrivée de Molécule, producteur-explorateur français, qui s’est donné pour mission de produire ses albums dans des conditions extrêmes. Au cours d’expéditions dans le Grand Nord, rallié par bateau, ses micros capturent les sons du monde naturel et son talent en fait de la musique électronique – une démarche pas si éloignées d’un Lee Scratch Perry imaginant le dub à partir du choc de la foudre et des réverbérations de pierres chutant dans une carrière. Cette référence, elle parlerait beaucoup au nomade Romain De La Haye alias Molécule, converti à la musique jamaïcaine depuis ses débuts. Son dernier projet, RE 201, à d’ailleurs était produit en partie à Kingston avec des chanteurs et des hommes de studios locaux. L’autre influence majeure du disque, c’est la french touch. Né en 79, Molécule est arrivé pile au bon moment pour apprécier en direct l’ascension de la musique éléctronique française dans les charts, aussi, il mesure bien l’honneur qu’est la participation de DJ Falcon ou Boombass à son album.
Pour conclure cette transmission, on a droit à l’une des DJ les plus saisissantes de la scène actuelle, à qui on serait tenté de coller l’étiquette de journaliste-archiviste, car sa méthode de mix tient presque du travail d’enquête, de transmission et de vulgarisation. Son nom, c’est Crystallmess (Christelle Oyiri), et dans ses faits d’armes, on peut compter la conception de Collective Amnesia : In Memory of Logobi, une projection qui revalorisait l’histoire et l’héritage du logobi, le mix RAPMANIA: A Guide to Shatta and Bouyon concocté pour la prestigieuse radio londonienne NTS, ou sa participation au show de Frank Ocean au festival étasunien Coachella. Oui, rien que ça. Ce qui est beau avec des artistes qui naviguent librement entre les genres musicaux, c’est qu’on ne sait jamais quels trésors sont cachés dans leurs clefs USB, et à quelle sauce on va être cuisiné. Le seul moyen de le savoir, c’est de les écouter.
Le closing ce soir-là était entre les mains d’Ultranouk, DJ résidente de Tsugi Radio et (comme si elle n’était pas déjà suffisamment cool) également cinéaste — on lui doit notamment le court métrage “5 Balles”. Cette partie-là de la soirée, qui s’est poursuivie, jusqu’à 5h, n’est pas disponible à la rediffusion, c’est un petit supplément pour les danseur·euses qui ont fait le déplacement. Si la lecture de ce texte vous à déclencher un petit épisode de FOMO (fear of missing out), guettez l’annonce de la prochaine soirée ARTE Mix, le doigt prêt à cliquer pour empocher les précieux tickets. Pour celleux qui hésitent encore, notre petit reportage audio, dans les coulisses de l’événement, devrait suffire à vous convaincre.