Ce matin on ne fête ni un disque ni un artiste, mais l’anniversaire d’un label qu’on ne présente plus : Blue Note qui célèbre ce jour même ses 83 ans.
Et même si ce nom dit forcément quelque chose à quiconque aime le jazz, les pochettes emblématiques, les histoires musicales hors du commun, l’ouverture d’esprit – ça vaut toujours la peine de redire l’importance de Blue Note et de se souvenir de leur genèse.
Cette maison est fondée en 1939 à New York – par deux jeunes amis juifs Alfred Lion et Frank Wolff qui ont fui l’Allemagne nazie – fous de tout ce qui se fait à l’époque dans le jazz, mais complètement ignorants de l’industrie musicale. C’est pas grave, ils y vont à l’audace, guidés par leur flair, leur sens complet aussi de l’esthétique, et leur confiance absolue dans les musiciens. Le soir, ils proposent à des artistes d’enregistrer des choses, librement, ils les invitent en studio quand ils sortent de leur gig nocturne, et ils les laissent jouer.
Et c’est à contre-courant de toute ambition économique que le label va se faire un nom et une place à part dans le milieu. Les musiciens, le public, leurs semblables remarquent que Blue Note est un havre de créativité, d’excellence, de rencontres. C’est là que s’épanouissent dès les années 40 les Thelonious Monk, Art Blakey, John Coltrane, Cannonball Adderley, Miles Davis, Herbie Hancock.
Avec les années, Blue Note devient le label le plus important du jazz. Chaque disque est soigné, de l’enregistrement jusqu’à la pochette. Elles sont mythiques les jaquettes des albums Blue Note – elles font partie de son histoire. Francis Wolff étant un excellent photographe, qui s’aventure dans les rues de New York, dans les métros, dans les clubs, pour capturer des moments de vie – et la typo emblématique étant réalisée par le graphiste Reid Miles.
La vie de Blue Note, en 83 ans, a eu le temps de vivre des hauts et des bas, des changements de direction, des morts cliniques et des résurrections. Aujourd’hui Blue Note existe encore, sans doute grâce à l’audace de celles et ceux qui en ont hérité et qui ont toujours voulu réinventer le catalogue, proposer à des jeunes gardes de le revisiter.
Parce que le jazz est vivant, protéiforme, dansant, mental, politique. Et pour fêter cet anniversaire, voilà le moment le plus compliqué. Choisir un disque parmi les milliers sortis. Voici “Moanin”, incroyable standard joué ici par Art Blakey. C’est n’importe quoi comme c’est bien.