Ce matin, on fête Power, Corruption & Lies, meilleur disque de New Order selon moi. Il sortait il y a 39 ans, mais continue à structurer l’histoire de la musique.
Cet album-là, vous savez, c’est celui avec la pochette comme un tableau. Une nature morte et fleurie, inspirée du peintre Fantin-Latour. C’est un disque qui vient après le deuil. Comme des mandragores ayant poussé après une tempête : le suicide de Ian Curtis, leader de Joy Division en 1980. Et suite auquel le groupe de Manchester ne veut plus garder ni le nom, ni le ton de ce qu’ils ont été.
Ils veulent pleurer, crier, et c’est ce qu’ils vont faire avec leur premier album Movement qui sort en 1981. Un disque qui est dur à créer, parce qu’il se frotte au jugement de leur producteur et ingénieur du son. Et Martin Hannett a une idée un peu rigide de ce que New Order doit être.
Alors, pour ce deuxième disque, New Order va faire autrement, et ailleurs. À New-York, où ils traînent de clubs en clubs et découvrent ce qui fait danser les Américains, ils comprennent que ce qui les distingue pleinement de Joy Division : les instruments électroniques et l’énergie qui en découle. De retour en Angleterre, ils s’installent au mythique studio de Britannia Row et débarquent avec de folles idées et leurs machines, dont un Emulator, qui est un proto-sampler, une boîte à rythmes, un synthétiseur. C’est là qu’ils composent « Blue Monday », véritable tsunami qui va tout renverser sur son chemin. Les tendances, les cœurs des danseurs, l’énergie des punks, et le titre va devenir une icône immédiate.
Et puis dans cette même énergie, ils enregistrent ce disque : Power, Corruption & Lies, qui sort le 2 mai 1983. Il ne ressemble qu’à eux. À leur discothèque si éclectique, leurs souvenirs embués, leur jeunesse, leur mélomanie et à leur futur. C’est un album à faire pâlir les autres groupes qui ne se sentent pas à la hauteur. Mais il va finalement, plus sainement, infuser la pop culture, brouiller les frontières musicales, nous faire pleurer, nous faire chanter, nous faire danser et tellement nous inspirer.
Avec ce sens si aigu et précis de la mélancolie qui débouche sur tous les possibles. De celle que l’on ressent quand la nuit tombe ou que le soleil se relève.