J’imagine qu’à certains endroits il y a eu des petites célébrations, parce que ce monument de la musique mérite qu’on le fasse vivre encore et encore.
Ce disque est né au milieu des années 60, dans un drôle de New York embrumé par son smog où des pubards à la Mad Men croisaient des gourous comme Andy Warhol. Et on doit beaucoup à ce dernier, à sa Factory, un loft devenu atelier, boîte de nuit, hôtel occasionnel et studio d’enregistrement situé dans Manhattan.
À la Factory sont conviés des jet-setteurs, des artistes, des poètes perdus, des marginaux, des bourgeois intrigués et des musiciens, parmi lesquels Bob Dylan, Mick Jagger ou Lou Reed. Lou Reed a commencé par chanter du doo-wop sapé comme un enfant de chœur. Il emménage à New York en 1964 avec l’envie de chanter de la pop un peu légère, mais pas que. Il s’amuse déjà à tester des trucs bizarres, avec sa guitare et un sacré sens des mélodies, il compose des morceaux qui parlent de drogues.
Cela impressionne John Cale, qui joue du violon, de l’orgue, de la basse, des claviers, qui traîne dans le milieu de la musique d’avant-garde mais qui aime aussi le rock anglais. Et c’est de cette rencontre que va naître le groupe, qui après avoir eu plusieurs noms, s’appellera le Velvet Underground. Avec des colocs et amis de passage, ils enregistrent une cassette, une démo toute simple avec l’envie de la faire circuler dans le Swinging London. Ils font des tournées dans des bars, frayent avec le milieu expérimental, vaguement rebelle. Et, par l’intermédiaire d’un ami, leur nom atteint les oreilles de l’artiste mécène qui fait la pluie et le beau temps de l’art contemporain de l’époque : Andy Warhol. C’est lui qui va les aider à signer, et qui va leur imposer de recruter Nico, énigmatique mannequin dont la voix est si grave qu’elle ne peut qu’être magnifique sur disque. Et si ça ennuie la bande, c’est comme ça.
On est en 1966, le Velvet Underground a de quoi avoir confiance, ils enregistrent ce premier album en quelques jours à peine, à partir des mélodies que Lou Reed a pensées depuis des années. Le disque sort, enrobé dans une merveilleuse pochette iconique, avec sa banane et sa légende urbaine : il y aurait du lsd sous l’étiquette.
Il marche, un peu, il est écouté par 30 000 personnes. Mais son succès va être exponentiel, et celui qui explique le mieux cette bombe à retardement, c’est Brian Eno qui disait : « certes, seules 30 000 personnes ont acheté ce disque. Mais chacune de ces personnes a ensuite monté un groupe ».
La suite du Velvet, elle est tout aussi folle. Mais c’est une autre histoire, puisque ce matin c’est cet album que l’on célèbre.