Portrait
“C’est l’Etat qui est responsable
même le juge s’est avéré être un traître
ils ont habitué le pauvre à la misère
ils ont cassé la loi par la force du mal
Mais notre chemin à nous est celui d’une Algérie libre
Nous n’avons pas de maître.”
— Mohammed Tadjidit
Jeanne Lacaille dresse le portrait de Mohamed Tadjadit, ce jeune algérien de 26 ans, qui, à la violence, préfère de loin la poésie.
Mohamed Tadjadit est né dans la Casbah d’Alger. Après une tentative d’exil en Europe échouée en 2017, il prend conscience qu’il ne supporte plus ni l’injustice, ni l’exclusion ni la précarité, et qu’il doit agir au pays. Alors, dès le début du Hirak en février 2019, il se joint spontanément aux manifestations et s’improvise poète. La rue l’inspire, il écrit des chants, des slogans et des vers pour traduire les revendications du peuple et ses aspirations.
Ses prestations devant le Théâtre National le font vite remarquer, notamment sur les réseaux sociaux. C’est le début de la gloire mais aussi des problèmes : il est incarcéré en novembre 2020 pour “atteinte à l’intégrité nationale”. Libéré le 28 mars dernier, Mohamed Tadjadit s’est dit prêt à reprendre sa plume, tout en se félicitant de l’éclosion de cette culture de résistance collective, pacifique et durable qui s’est développée et consolidée depuis 2 ans en Algérie, parce qu’elle témoigne d’une victoire de la poésie sur la violence et la paix sur la peur.
Pour en voir plus, le documentaire “C’était écrit, La démission de Bouteflika” de Benoît Chaumont, Karim Rissouli, disponible jusqu’au 27.05.21 en replay sur France.tv.
Musikactu
Un musikactu entre Afrique et Jamaïque.
Notre chroniqueur es-reggae Judah Roger rend hommage au DJ jamaïcain Trinity disparu le 9 avril dernier. Cet originaire de Kingston était passé, comme beaucoup de reggaemen, par l’Alpha Boy Schools avant de commencer sa carrière dans les années 70. Que ce soit en toaster sous le nom de Trinity ou en chanteur sous le nom de Junior Brammer, l’auteur du hit “Three Piece Suit” laisse derrière lui une belle discographie de plus de 30 disques à découvrir et redécouvrir.
Reggae toujours, mais africain cette fois, avec le chanteur dakarois CeePee, qui a invité l’une des grandes figures du soundsystem hexagonal Daddy Morry sur son titre “Beug Dem”, “Je veux partir” en wolof, un titre accompagné d’un très beau clip qui confronte la vision africaine de l’Europe et la vision européenne de l’Afrique.
D’ici et d’ailleurs
A l’occasion de la sortie de son nouvel album hypnotisant “De la Glace dans la gazelle” paru le 16 avril (MDC/Pias France), Bintou Simporé reçoit Wasis Diop, l’électron libre à la voix profonde.
Wasis Diop est auteur-compositeur et interprète sénégalais, et parisien, né en 1950 à Dakar. Il arrive en France dans les années 70 d’abord par amour pour le cinéma avant d’être saisi par la musique : il rencontre Umbañ Ukset et ils fondent le premier groupe de rock psychédélique africain “West African Cosmos”, d’où sort un album en 1974 (qu’il nous avait d’ailleurs présenté dans le Classico de Néo Géo).
Après une escale à Kingston en Jamaïque à la fin des années 1970, Wasis Diop renoue avec son amour pour le cinéma. Il compose des musiques remarquées pour les films de son frère Djibril Diop Mambéty, “Hyènes” ou encore “La Petite Vendeuse du Soleil.” Il commence sa carrière de chanteur en solo en 1994 avec l’album “No Sant”, fruit d’une rencontre avec le producteur et saxophoniste japonais Yasuaki Shimizu, suivi de “Toxu” en 1998 et Judu Bek en 2008. Il continue d’écrire et de composer, pour lui ou pour le cinéma, ou même pour les théâtres, avec par exemple l’Opéra du Sahel, co-écrit avec Zé Manel Fortes.
Dans Néo Géo, il nous parle de la conception d’un album poétique chanté en français et teinté d’histoire africaine. Il nous raconte les griots, les grandes figures du continent, les dogons et nous parle du Renard Pâle et du cinéaste documentariste Jean Rouch.
D’autres immersions dans les cultures africaines à la Bibliothèque Chimurenga. Dans le cadre de la Saison Africa 2020, le collectif sud-africain du même nom vient de publier une revue spéciale et installé un parcours immersif entre cartes manuscrites, traçages au sol, sélections littéraires et discographiques délibérément orientées, autour des “Études noires » (Black studies), plus particulièrement de l’Afrique francophone et sa diaspora. A retrouver à la BPI au Centre Pompidou sur inscription ou entrée libre à partir de 15h 30, du 02 avril au 03 mai 2021.
De Visu
Une plongée au cœur des grandes étendues canadiennes, où des générations d’autochtones ont été dépossédées de leurs cultures très riches et diverses par un racisme systémique.
Qu’on le découvre à travers les voix de chanteurs et activistes comme Willie Dunn ou Elisapie (en mi’kmaq, inuktitut, anglais ou français) ou celles des autochtones qui témoignent dans le documentaire “Tuer l’Indien, dans le coeur de l’enfant”, le passé des populations amérindiennes et inuits au Canada est particulièrement douloureux.
Le journaliste, reporter et auteur de ce documentaire Gwen Le Gouil raconte pour Nova son enquête sur ces populations considérées longtemps comme des “sauvages”, des citoyens de seconde zone, séparés des blancs, que le pays a tenté d’évangéliser.
Pour ce film, le réalisateur suit ainsi le combat pour la justice d’autochtones en colère et enquête sur l’origine des traumatismes qui hantent désormais ces membres des Premières Nations.
« Tuer l’indien dans le cœur de l’enfant”, un documentaire de Gwenlaouen Le Gouil à retrouver en replay sur arte.tv ou sur la chaîne YouTube d’Arte.
Live
Le Salon de musique de Néo Géo accueille l’ambassadeur des musiques brésiliennes João Selva. Il est venu nous interpréter plusieurs chansons de son dernier album “Navegar” (Underdog Records), hymne à la créolité et au tropicalisme, porté par des sonorités funk, jazz ou encore disco — en trio avec le producteur et multi-instrumentiste Bruno “Patchworks” Hovart et le flûtiste Boris Pokora.
João est un vrai carioca, un natif de Rio de Janeiro. Élevé dans une communauté d’artistes bienveillants, il maîtrise très tôt la pratique d’à peu près toutes les musiques de son pays, ce qui l’amène à traverser l’Atlantique pour les faire découvrir aux Français. À Lyon, il s’associe à la scène locale, d’abord au sein du trio Forro de Rebeca, puis en collaborant avec de nombreux artistes, dont Sir Jean ou sa compatriote Flavia Coelho. Et puis, il y rencontre le producteur et multi-instrumentiste Patchworks (l’homme derrière Voilaaa, Mr President, ou Taggy Matcher).
C’est avec ce dernier que João Selva a conçu en 2017 un premier disque, Natureza. Le duo va maintenant plus loin avec Navegar, deuxième album qui entend faire voyager l’auditeur à travers l’Atlantique Noir, expression qui évoque le commerce triangulaire du temps de l’esclavage et dont ont resulté des créations culturelles unissant les Amériques, dont le Brésil et les Caraïbes au continent africain et à plusieurs nations européennes.
Joao Selva (Chant, percussions)
Bruno Patchworks Hovart (Guitare)
Boris Pokora (Flûte à bec)
Playlist (Le mag de Néo Géo)
Falle Nioke et Ghost Culture – Mounemouma
Delgres – 4 Ed Maten
Junior Brammer- Hold your corner
Trinity – Three Piece Suit
CeePee x Daddy Mory – Beug Dem
Wasis Diop – Voyage à Paris
Wasis Diop – Sogolon
Wasis Diop – Le cimetière des grattes-ciels
Wasis Diop – Le sigui de Jean rouch
Manu Dibango – Kamer lion
Willie Dunn – Crazy Horse
Elisapie – Asuguuq
João Selva – Navegar (version album)
Gilberto Gil – Refavela (Ao Vivo)
João Selva – Tudo Vai Dar Pé (version album)João Selva – Camara (en Live)
João Selva – Meu Mano (en Live)
João Selva – Um Caroço (en Live)
C’était Néo Géo Nova, une émission réalisée par Benoit Thuault et Christian Nzonta, avec Tristan Guérin et Benjamin Macé pour le live, à la rédaction Jeanne Lacaille, Judah Roger, François Dayre, Esteli Hernandez Ortiz et à Nova.fr Morane Aubert et Bastien Stisi.
Photo de couverture par JP Gimenez.