La musique d’Amazonie est-elle aussi luxuriante que sa jungle ? Réponse, oui.
Pour son 10ᵉ Voyage immobile, Sophie Marchand est partie en Amazonie. L’occasion pour nous de suivre le cours des musiques de cette région, de Iquitos à Belem, en passant par le fleuve et les rivières, et de visiter un immense territoire, une forêt fantasmée, un ailleurs fascinant : l’Amazonie.
« Amazon River » de Celia Vaz & Wanda Sa
On commence notre parcours en remontant le fleuve Amazone, plus long fleuve du monde (avec le Nil), celui avec le débit le plus élevé aussi. Prenant sa source dans la Cordillère des Andes, il traverse le Pérou, la Colombie et le Brésil, et se jette dans l’Atlantique au niveau de l’Équateur. À lui seul, il est à l’origine de 18% du volume total d’eau douce déversée dans les océans. Un fleuve chanté en 1994 façon bossa nova par deux chanteuses brésiliennes, Wanda Sa et Celia Vaz, sur leur album Brasileiras.
Dona Onete, « No Meio Do Pitiú »
Caractérisé par les rapides battements du tambour dont il tire son nom, le carimbó est un rythme traditionnel du Pará, au nord du Brésil. Et c’est avec délice que Dona Onete, fraîche septuagénaire que l’on surnomme « la grande dame de la chanson amazonienne », revisite le style de sa région, sur son deuxième album paru chez Mais Um Discos.
Ranil Y Su Conjunto Tropical, « Muévete Mi Amor »
Si vous remontez l’Amazonie, vous passez devant la ville de Manaus et vous traversez la frontière péruvienne, vous finirez par atteindre la ville d’Iquitos. C’est ici que Werner Herzog a filmé Fitzcarraldo, l’épopée visionnaire de la lutte d’un homme pour faire glisser un navire sur une montagne… Et c’est ici, dans une ville complètement coupée de la côte péruvienne, accessible uniquement par l’air et l’eau, et entourée de forêts impénétrables, qu’un nouveau style typiquement amazonien de Cumbia a vu le jour au début des années 1970. Parmi ses pionniers, un personnage charismatique nommé Raúl Llerena Vásquez, aka Ranil, à qui le label Moduor dédiait en 2019 une super compilation.
Ramiro Musotto, « Gwyra Mi »
Parmi les peuples indigènes d’Amazonie, on compte les Guarani, qui rassemblent un groupe de communautés diverses de même langue. On les trouve au nord de l’Argentine, au Paraguay, en Bolivie et surtout au Brésil. Vivant principalement dans la forêt, les Guaranis dépendent de l’agriculture. Leur survie est aujourd’hui menacée par la déforestation à grande échelle encouragée par le gouvernement de Bolsonaro. En 2006, le musicien Ramiro Musotto samplait l’un de leurs chants traditionnels sur ce titre à la teneur politique.
Ignacio Maria Gomez, « Nensalinya Teni »
Bien que né à Bariloche, au nord de la Patagonie argentine, Ignacio Maria Gomez trouve ses racines un peu partout, à travers ses voyages. À commencer par l’Amérique latine, qu’il a arpentée de long en large avec sa guitare et son balafon, cueillant sur son chemin les langues et rythmes de l’Amazonie.
Depuis, c’est à Paris que le musicien a trouvé refuge, et c’est là aussi, chez le label fureteur Helico Music, qu’il a pu concevoir en 2020 son premier album: Belesia, du nom d’un paradis terrestre imaginaire, où les langues et les hommes se mêlent à la perfection. Les mots d’Ignacio empruntent à l’espagnol, au portugais du Brésil, aux langues des indigènes d’Amazonie, pour créer un vocabulaire unique et musical, à l’image du charmant « Nensalinya Teni ».
Magalhaes E Sua Guitarra, « Xango »
La superbe compilation JAMBU e os miticos sons da Amazonia, parue en 2019, revenait sur les sons du nord du Brésil et en particulier de l’Etat du Para dans les années 70. On y trouvait ce morceau jouissif et dansant nommé d’après une divinité Yoruba. Une compilation à retrouver sur le Bandcamp du label Analog Africa.
Barrio Lindo, « Capuchino Pecho Branco »
En 2015, le label Shika Shika avait la brillante idée de réunir sur une compilation la fine fleur de la nouvelle scène électronisante et pop d’Amérique du Sud, autour d’un même thème : les chants des oiseaux de leur continent. On trouve ainsi sur Guide to the Songbird of South America, des chansons inspirées par les mélodies de ces oiseaux indigènes pour la plupart menacés, dont le sporophile des marais, qu’on retrouve dans la région amazonienne — ici mis en musique par le musicien argentin Barrio Lindo.
Nelson D, « A grande revolta »
En 1986, un bébé indigène est trouvé dans les rues de Manaus, sur le fleuve Amazone. Adopté par un couple italien, le bébé est devenu, trente ans plus tard, Nelson D, musicien qui se considère Brésilien, Européen et surtout indigène – plus particulièrement tupi-guarani. Il a sorti en 2021 Em Sua Prioria Terra, premier album engagé qui mêle fureur rock, électronique expérimentale et chants amazoniens.