En revenant aux bases du Wu Xia Pian, Donnie Yen ferait-il amende honorable ?
Certaines stars vieillissent mal. Pas forcément de manière volontaire. Le cas des très grands noms du cinéma hongkongais en est assez symptomatique. Depuis la rétrocession de l’ex-colonie britannique à la Chine, la plupart ont compris qu’il fallait désormais se tenir à carreau et en rien faire ni dire qui ne déplaise au régime de Xi Jinping, sous peine de voir une censure qui veille au grain trapper les films, voire les carrières, en étant mis physiquement au placard ou totalement effacée d’Internet, comme certaines actrices chinoises ont pu en faire les frais. Certaines légendes ont donc fini par retourner leur veste encore plus rapidement que leurs coups de pieds, probablement plus pour pouvoir continuer à tourner que par conviction. C’est risqué dans le cas d’un Jackie Chan, devenu porte-voix de la propagande officielle au point d’avoir intégré en tant que conseiller le parti communiste chinois, mais désormais renié par ses fans hongkongais. Ça peut être payant, comme pour Donnie Yen, lui aussi devenue mascotte officielle du parti, mais dont les films continuent à triompher sur les écrans à l’ombre de la grande muraille. Avec un cas de conscience, quand ces films, s’avèrent d’excellents divertissements comme Sakra.
Mais alors est-ce que ça craint d’aller voir Sakra ?
Pas si l’on y va avec l’envie de voir une alternative aux blockbusters américains ou si l’on est nostalgique des Wu Xia Pian, ces films de sabres en costumes hongkongais, puisque c’est dans ce registre qu’officie Sakra, film distribuant allègrement scènes d’actions virtuoses. Ne serait-ce que pour renouer avec une formidable puissance physique ou un sens épique de l’héroïsme à l’ancienne, qui justement est devenue désincarnée dans un cinéma américain ayant chassé tout sens de l’organique depuis l’avènement des effets visuels numériques. Même en se perdant dans les méandres des clans et des dynasties, ourdissant complots sur complots, il y a une vraie jouissance à voir le quasi-sexagénaire Yen et ses cascadeurs se livrer à de phénoménales prouesses. Mais il reste aussi une brèche ouverte à une lecture politique, quand le véritable sujet de Sakra reste le rachat possible de la réputation entachée d’un chef de bande, interprété par Yen. Il évoque d’ailleurs trop de fois ici les notions d’intégrité et de morale pour que ce ne soit qu’une allusion. De même, le principe de retourner, dans les techniques d’arts martiaux comme dans l’écriture, aux bases du Wu Xia Pian, tel qu’il se pratiquait à Hong Kong avant la rétrocession, ne peut être innocent. Encore moins celui d’un personnage qui tente de remonter la piste de son passé, pour renouer avec ses origines. Son périple l’amenant à prendre conscience d’un héritage social et culturel. Sakra se termine avec la promesse d’un second volet. Il se fera forcément sous surveillance de la censure chinoise, mais on est déjà curieux de voir si en sous-main, le propos, un peu plus subversif que prévu, s’y maintiendra.
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