À la découverte du gao rap, penchant kitch et lumineux du hip-hop malien
Il y a quelques semaines, on avait fêté ensemble les 30 ans de The Source, album dans lequel le chanteur malien originaire de la ville de Gao, Ali Farka Touré, revenait aux origines du blues. Aujourd’hui, on repart à Gao découvrir un autre rayon de la bande son d’un pays qui représentait aux yeux du bluesman la « grande bibliothèque de la musique africaine », le gao rap.
Le gao rap, on le rencontre aujourd’hui en passant par l’un de ses pionniers, Babsy Konate, bidouilleur de mélodies hors pair. Son père est le directeur de l’orchestre de Gao, et son frère Oumar l’a initié à la production, on peut dire que pour Konate, le son, c’est dans le sang. Si Babsy Konate est inspiré par les représentations orchestrales de son père, il ressent très tôt l’envie d’utiliser les nouvelles technologies pour créer.
Au début des années 2000, Babsy Konate met la main sur un ordinateur et explorer les plug-ins du programme de production instrumentale Fruity Loops. Le producteur autodidacte développe alors un style de rap rétro qui n’hésite pas à pousser sur les effets comme l’autotune. À ses mélodies cristallines, Konate ajoute un flow rappé emprunté au ragga du Nigeria. Une recette singulière qui s’est propagée sur la scène de Gao.
L’implication de Konate dans l’écosystème rap de Gao va le métamorphoser. Le producteur ouvre dans les années 2000 un studio mobile, ouvert aux emcees de la ville en quette d’instrumentale sur laquelle poser. La couleur des productions de Konate recouvre donc le flow de la plupart des manieurs de microphone du coin, jusqu’à en devenir la signature. Dans la compilation dédiée au Gao Rap parue en 2017 chez Sahel Sounds, on retrouve partout la patte Konate même s’il ne signe que deux morceaux de son nom.
Du début des années 2000 jusqu’à aujourd’hui, Babsy Konate n’a pas cessé de produire des morceaux, jusqu’à ce qu’un album complet, Tounga, ait pris forme. Dedans, Konate, qui se considère comme un lanceur d’alerte, porte un message de soutien pour les populations du nord du Mali habitant dans une région « délaissée par le gouvernement et ravagé par les djihadistes ». L’album-anthologie n’est pas que politique et choisi aussi la légèreté au service de thématiques romantiques, à l’image du morceau “Super Mariage”. Avis aux non-initiés, si le gao rap débarque dans vos enceintes, préparez-vous à avoir les oreilles qui pétillent.