De Buffy Sainte-Marie à Jeremy Dutcher, découvrez la naissance et renaissance des musiques autochtones canadiennes.
En ce printemps 2021, le gouvernement canadien a décidé que 18 milliards de dollars sur cinq ans seront consacrés à combler l’écart entre les peuples autochtones et non autochtones, et renforcer les communautés. C’est 300 % de plus qu’au dernier budget présenté en 2019. Ces mesures arrivent au moment où leurs revendications se font de plus en plus entendre, notamment concernant le sort des femmes.
Le journaliste et réalisateur français Gwen le Gouil a d’ailleurs récemment abordé ces questions dans un documentaire, « Tuer l’indien dans le coeur de l’enfant« , sur les tragédies que subissent les peuples autochtones canadiens. Il nous avait présenté son enquête et son film dans Néo Géo Nova. Une très belle occasion pour se plonger dans la musique, souvent engagée et toujours très riche, des autochtones canadiens.
Buffy Sainte-Marie — Now That’s The Buffalo’s Gone
Buffy Sainte-Marie est très certainement la plus importante représentante des premières nations en musique. Auteure-compositrice-interprète, pacifiste et militante née en 1941 dans une réserve au Canada, elle commence sa carrière dans les années 60, qui dure encore aujourd’hui.
Dès son premier album, elle chante les problèmes auxquels sont confrontés les peuples autochtones des Amériques, notamment en 1964, avec le titre “Now That The Buffalo’s Gone”, qui ouvre son premier album, “It’s My Way”. Dans la simplicité d’une ballade folk, à la voix et accompagnée d’une guitare, cette “protest song” fait référence à l’extinction presque totale des bisons en Amérique du Nord et sert de métaphore au génocide culturel subi par les peuples autochtones.
Buffy Sainte-Marie — T’es Pas Une Autre
Buffy Sainte-Marie a écrit pour des grands noms comme Donovan, Joe Cocker, Janis Joplin ou encore Elvis Presley, qui a interprété sa chanson “Until It’s Time For You to Go”, que Buffy Sainte-Marie a d’abord enregistrée en 1965, puis en 1967 dans une version française très étonnante, traduite par le chanteur québécois Claude Gauthier.
Willie Dunn — The Ballad of Crawfoot
Grande figure des musiciens autochtones indiens et décédé en 2013, William Dunn était un canadien chanteur-compositeur-interprète, réalisateur et homme politique. Né à Montréal, il était d’origine mi’kmaq et écossaise-irlandaise. Dunn a souvent souligné les questions autochtones dans son travail.
En 1968, pour illustrer son morceau “The Ballad of Crowfoot”, il réalise un clip intense de 10 minutes qui dénonce le traitement colonial inhumain et injuste réservé aux autochtones.
Willie Dunn — Crazy Horse
Autre chanson de Willie Dunn, “Crazy Horse”, qui mêle ballade folk et chants traditionnels Mi’kmaq. La chanson retrace l’histoire de Crazy Horse, chef amérindien qui avait lutté contre les militaires américains au milieu du XIXè siècle. Willie Dunn ne manque pas de rappeler les massacres et la violence que les indiens ont subis.
Une chanson anciennement difficile à trouver mais qu’on peut désormais écouter sur la récente compilation “Creation Never Sleeps, Creation Never Dies : The Willie Dunn Anthology” (Light in the attic records).
Elisapie — Asuguuq
Passons maintenant à la scène contemporaine autochtone canadienne, avec Elisapie Isaac, chanteuse d’origine inuit née au Québec en 1977. Son titre “Asuguuq“, chanté en inuktitut (l’une des principales langues inuits du Canada), est issu des sessions d’enregistrement de son dernier album “The Ballad of a Runaway Girl”. C’est une chanson d’amour qui met en valeur la voix douce et brute d’Elisapie. “Asuguuq” est une expression inuktikut qui exprime l’incrédulité. Elle est ici utilisée pour tenter de mettre en mot ce que l’on ressent au moment du coup de foudre.
Jeremy Dutcher – Pomok naka Poktoinskwes
Jeremy Dutcher est un jeune compositeur et ténor canadien d’origine Wolastoquiek. En 2018 et contre toute attente, il remporte le “Polaris Prize”, un prix qui récompense chaque année le meilleur disque canadien, pour son premier album solo, “Wolastoqiyik Lintuwakonawa”, un album chanté entièrement en wolastoq, qui réactualise les musiques traditionnelles de ses racines avec des sons plus occidentaux, aux tons pop, folk ou classique. Dans le morceau “Pomok naka Poktoinskwes”, issu de cet album, Jeremy Dutcher appelle avec puissance et intensité à la renaissance culturelle des premières nations et à la réconciliation.
A Tribe Called Red (The Halluci Nation) – Electric Pow Wow Drum
Pour finir cette playlist avec plus de légèreté mais tout autant de puissance, nous écoutons le groupe “A Tribe Called Red” (renommé “The Halluci Nation”), un duo de DJ et d’activistes canadiens qui ont réinventé le traditionnel “Pow Wow” (manifestation festive, musicale et dansante traditionnelle de la culture amérindienne). Ils y invitent des musiques électroniques, hip-hop ou encore reggae, pour un résultat hypnotisant et tellurique.