Voici une playlist pour célébrer la nature et ceux qui la chantent.
Aujourd’hui, en marge des pérégrinations d’Isadora Dartial à la rencontre de ceux qui écoutent et enregistrent la nature dans l’émission « Fréquence Nature », voici une playlist pour célébrer la nature et ceux qui la chantent. Les errants, les vagabonds, les curieux, ces artistes qui écoutent le monde et le retransmettent par leur musique. Entre field recordings, musiques pour plantes et chants d’oiseaux, voilà une ballade au grand air pour déconfiner les oreilles et célébrer la beauté du monde qui nous entoure.
Tim Maia – Que Beleza
« Que c’est beau de sentir la nature », nous chantait Tim Maia en 1974 sur Racional Vol. 1. Un album issu de la période mystique du soulman brésilien, qui était alors devenu adepte de la secte Universo em Desencanto. Un culte qui promettait entre autres la rencontre avec des êtres extra-terrestres, et auquel Maia a été assujetti le temps de deux disques plein de dévouement pour la Terre et la nature.
Eden Ahbez – The Wanderer
Connu pour son standard « Nature Boy », eden ahbez était un ermite américain qui a passé la majeure partie de sa vie sur la route. On dit qu’il a traversé huit fois les Etats-Unis au gré des trains de marchandises. Barbu aux cheveux longs et constamment vêtu d’une robe et de sandales, ahbez était l’image même du clochard céleste, devenant entre les années 1940 et 1960 une référence pour les beatniks puis les hippies. Son unique album Eden’s Island, paru en 1960, mêle exotica, jazz, field recordings et spoken word, à l’instar du titre « The Wanderer » (le vagabond).
Bobby Darin – Nature Boy
En 1947, eden ahbez confie la partition d’un morceau au valet de chambre de Nat King Cole devant le Lincoln Théâtre de Los Angeles. Sans trop savoir d’où le morceau venait, Cole l’enregistre et en fait un succès (plus d’un millions de vente pour l’année 1948). Ahbez finit par toucher les revenus et décide de partager la moitié avec ses « frères de rue ». Depuis, le titre a été repris par Miles Davis, Sun Ra, David Bowie, Ella Fitzgerald, et ici Bobby Darin (l’interprète de « Blue Velvet ») en 1961. Le morceau lui-même est écrit sous la forme d’une petite fable, et commence ainsi: « Il y avait un garçon, un garçon très étrange et enchanté. On dit qu’il erra très très loin, très loin, par delà les terres et les océans ». Cette fable, c’est somme toute un peu l’histoire d’eden ahbez lui-même, vagabond devant l’éternel.
Moondog – Do Your Thing
On ne peut pas parler de vagabondage sans évoquer cette autre figure qu’est Moondog. Né Louis Thomas Hardin, ce musicien aveugle devenu silhouette familière des rues de New York dans les années 50 et 60 a étudié la musique auprès de Leonard Bernstein et de Toscanini. Jamais trop pris au sérieux à cause de son accoutrement (son éternel casque de viking notamment), il devient musicien de rue entre la 53e rue et la 6th Avenue à Manhattan, jouant d’instruments fabriqués par lui-même. Proche de Burroughs et de la Beat Génération, il fréquente les jeunes compositeurs Philip Glass et Terry Riley. Sa propre oeuvre musicale foisonnante, entre jazz et musiques contemporaines, restera largement méconnue jusqu’à ce que son « Bird’s Lament » connaisse un succès posthume (notamment après avoir été samplé par Mr Scruff sur « Get a move on »). Ici, un morceau chanté qui invite à faire les choses par soi-même.
Saronde – Kilamu
Parmi les figures les plus emblématiques du Field Recording, pratique qui consiste à enregistrer les sons en contexte naturel, il y a Hugh Tracey, grand ethnomusicologue britannique qui a été l’un des premiers à s’intéresser à la préservation des musiques traditionnelles africaines. Il a enregistré lui-même des centaines d’enregistrements dans l’Afrique subsaharienne. Dans les années 1940-50, il lance la collection Sound of Africa qui sortira 210 disques vinyles contenant ces enregistrements de tribus et peuples souvent méconnus.
Dans les années 2010, le label anglais Beating Heart s’est fondé autour de l’idée d’explorer et faire revivre ces enregistrements en proposant à des producteurs et musiciens souvent africains de les remixer et reprendre. Le titre « Kilamu » sample donc un chant traditionnel du Kénya, pays d’origine des rappeurs Blinky Bill et Idd Aziz qui se joignent au duo fondateur de Beating Heart, Saronde, pour un morceau solaire et fédérateur
Luzmila Carpio – Ch’uwa Yaku Kawasaypuni
Luzmila Carpio, c’est la porte-parole de la tradition musicale andine. Issue d’une famille aymara de l’altiplano, Luzmila imite le chant des oiseaux, elle parle aux plantes et raconte la Terre-Pachamama dans ses chansons. Sa voix, elle, tutoie les cieux. Devenue ambassadrice bolivienne en France, c’est bien chez nous qu’elle réside maintenant. À écouter : la compilation et l’hommage tout en remix que lui a dédié l’inestimable label ZZK.
Chassol – Pipornithology
Le pianiste français Chassol est devenu spécialiste de la capture de la matière naturelle pour créer ce qu’il appelle des « ultrascores »: en d’autres termes, l’harmonisation du réel, le réarrangement du son brut. Ses albums sont souvent issus de ses voyages: ainsi, après deux albums respectivement dédiés à l’Inde et à la Nouvelle Orléans, son disque « Big Sun » explorait les sons des Antilles. Se fondant sur des enregistrements fait en Martinique, Chassol s’est ainsi amusé à jouer avec les bruits du carnaval, des défilés, des bribes de voix et discours, du bruit de la pluie, des percussions, de la mer, et aussi, le chant des oiseaux, comme ici.
Mort Garson – Mother Earth’s Plantasia
Les algorithmes Youtube ont donné une seconde vie à ce disque culte, paru en 1976 dans la confidence. A l’époque, des copies du vinyle ne pouvaient être achetées que dans un seul magasin de plantes, à Los Angeles, ou dans un point de vente Sears lorsqu’on achetait un matelas. Considéré comme précurseur de la musique ambiant, Plantasia est conçu pour être écouté par des plantes. L’oeuvre cotonneuse et loufoque d’un Canadien fou de claviers, pionnier de l’électronique reconnu sur le tard.
Yelli Yelli – Tassusmi
Yelli Yelli, c’est Emilie Hanak, une musicienne qui a grandi à Créteil mais qui a toujours été fascinée par ses origines kabyles. Après des premières aventures musicales sous le nom de Milkymee, elle publiait en 2016 Terre de mon poème, un disque rassemblé sous l’étiquette de « folk kabyle ». Des chansons de nature chaude: le désert, la Méditerranée, et le fantasme d’une certaine Algérie perdue.
Avec « Tassusmi », Yelli Yelli continue d’explorer son héritage familial entre deux langues. Pour l’occasion, elle retrouve Piers Faccini, (qui avait déjà réalisé et co-composé son album précédent), mais aussi la productrice Chloé, qui vient prêter main forte. Le résultat est un sublime enchevêtrement de cordes pincées, de subtiles ondes électroniques, et de mots aussi fragiles que précis. « Tassusmi », c’est le silence en kabyle. Ici, on rêve avec Yelli Yelli de grands espaces, de souffles chauds, de soleils ardents. Le silence est grand, l’émotion aussi.
Cosmo Sheldrake – Nightingale Pt 1
Bricoleur de sons farfelus, compositeur savant obsédé par les animaux bizarres, Cosmo Sheldrake est unique dans son genre, liant art de la superposition et humour absurde. Fils d’un biologiste et d’une professeur de chant, le jeune Londonien est capable de jouer plus d’une vingtaine d’instruments à lui-tout seul, les superposant en live par boucles organiques. En 2020, il dédiait un album entier aux chants des oiseaux du Royaume-Uni, ceux qui ont accompagné sa jeunesse dans la campagne anglaise. Rossignols, coucous, rousseroles et chouettes peuplent ce disque nommé Wake Up Call, parfait pour un réveil en douceur.
Talking Heads – Nothing But Flowers
David Byrne décrit un monde post-cataclysme où la nature a repris ses droits, citant la disparition des parkings, des autoroutes ou encore des Pizza Hut au profit des champs de fleurs…. Petit twist: Le narrateur , d’abord décrit comme un Adam biblique, révèle progressivement que les commodités du monde moderne, finalement, lui manquent et qu’il ne peut pas s’adapter à ce nouveau « style de vie ». Un hymne collapsologique paru sur le dernier album des Talking Heads, Naked (1988).