Aujourd’hui dans Vitamine So, le morceau « Death With Dignity » de Sufjan Stevens.
Chaque matin juste avant Alpha Beta Nova , Sophie Marchand met en musique l’actualité d’ Un Nova Jour Se Lève avec un morceau faisant lien avec l’information du jour.
Sophie ce matin, tu nous joues un disque mémoriel qui tient vraiment à coeur ?
Oui je vous parle aussi de mémoires musicales et même si je n’ai pas lues celles de Bruno Le Maire, je crois que peux déjà le dire. Celles que je vais vous jouer sont mieux, parce que l’album en question est mon album préféré, alors j’y crois assez solidement.
Cet album est signé de Sufjan Stevens et il s’appelle Carrie & Lowell. Et c’est quasiment, au sens littéraire du terme, des mémoires. Celles de ce musicien culte, mystérieux, et réputé pour ne pas trop en dire sur sa propre vie. L’histoire de ce disque, sans doute le plus intime de tous ceux qu’il a composés, remonte à 2014. À l’époque, le musicien décide de se confronter à un moment dramatique de sa vie : la mort de sa mère, Carrie, et à tout ce qu’ils ont vécu avant ça. Ce que l’on sait, ce qu’il nous dit presqu’en préambule de cette œuvre, c’est que sa mère l’a abandonné quand il n’avait qu’un an, et que toute sa vie elle a souffert d’alcoolisme, de dépression, de schizophrénie.
Ce qu’on découvre au fil du disque, c’est tout l’amour, et toute la compréhension que son fils lui porte. Envers et contre tout. Piste après piste, Sufjan Stevens dessine un grand miroir, où il s’inspecte lui-même, où il déshabille ses névroses, au regard de celle de sa mère. Il parle aussi de son beau-père, Lowell, qui est le second pilier de cet album, qu’il a élevé et lui a enseigné l’amour de la musique. Et honnêtement c’est sublime. Parce que c’est intime mais ce n’est pas voyeur, Sufjan Stevens a l’art de ne pas dire les choses trop frontalement, de se servir de la spiritualité ou des images mystiques pour contourner la réalité. Parce que c’est surtout un disque plein d’amour, de pardon, d’acceptation, de compréhension. Et finalement c’est le seul moyen que lui, jeune orphelin, a trouvé pour faire le deuil de sa mère.
Nous livrant au passage le plus bel album autobiographique que je connaisse, enregistré en plus dans un dépouillement absolu, une guitare, un iphone, pas grand chose. Choisir un seul morceau parmi les 11 merveilles que comporte l’album c’était un crève-cœur, donc j’ouvre avec le premier morceau : « Death With Dignity », où l’on entend les mots : « I forgive you mother ». Je te pardonne mère.
Parce que finalement, pourquoi écrire ses mémoires si ce n’est pour tendre à l’apaisement.
Crédit © Pochette de Carrie & Lowell, de Sufjan Stevens