Dès sa première édition à Paris en 1978, Africa Fête était un évènement majeur des musiques africaines. Cette 18ème édition marseillaise (du 21 au 30 juin) confirme que ce festival au budget restreint est essentiel aux échanges culturels entre les deux rives de la Grande Bleue et à notre compréhension du monde qui est le nôtre quoi qu’on en dise.
Parler, reparler d’Africa Fête, c’est pour moi, à chaque fois, avoir un peu plus de 16 ans à Paris, et ouvrir une porte, la porte des musiques africaines lors de la première édition de ce festival. C’est conforter l’idée que même si nous sommes tous différents, nos émotions ont quelque chose d’universel, qu’« aucun océan ne nous sépare » comme l’affirmait Actuel à l’époque et que cela est encore vrai aujourd’hui. Plus de 40 ans après, c’est réaliser que la vie, la mienne en tout cas, est jalonnée de portes que j’ai ouvertes et de sons qui se sont engouffrés dans mes oreilles, d’émotions qui m’ont bouleversé. Parler d’Africa Fête, c’est rappeler que la musique et la fête sont vecteurs de rencontres, d’échanges et de compréhension. Que Mamadou Konté, le regretté fondateur de cette institution qui plutôt que de s’enraciner à Paris s’est développée à Dakar et à Marseille, avait bien compris cela, quelques années avant que Maurice Fleuret, le Directeur de la Musique au Ministère de la Culture lance la Fête de la Musique avec le succès que l’on sait. Mamadou Konté, travailleur immigré, militant politique, homme de terrain, il a été un de ceux qui a porté la lumière sur les musiques africaines et les artistes du continent premier et de ses diasporas. Pour lui ce combat s’inscrivait dans une lutte plus large, celle de la reconnaissance des Africains des deux côtés de la Méditerranée. Mamadou Konté a commencé à écrire l’histoire du monde d’après, d’après la colonisation, un monde dont il espérait qu’il se nourrirait de nos différences, un monde d’échanges d’égal à égal. Il nous a quitté le 20 juin 2007. D’autres continuent son histoire, parce qu’elle est aussi la nôtre et qu’elle participe à la construction de notre futur.
Inaugurée le jour de la Fête de la Musique, cette 18èmeédition d’Africa Fête qui court jusqu’au 30 juin lie au fil de sa programmation, musique, cinéma, débat, danse, gastronomie… et répond pleinement à l’exigence de visibilité souhaité par son créateur. En musique par exemple, Africa Fête nous offre l’occasion de faire le point sur la scène africaine régionale et de découvrir trois formations : Ferro Gaïta, Senny Camara et Arka’n Asrafokor venues d’horizons plus lointains.
Les premiers sont surnommés au Cap-Vert leur pays, les rois du funana, Genre très populaire sur les îles du Cap-Vert et parmi la diaspora, le funana n’a pas ici la popularité des mornas chantées par la diva aux pieds nus Cesaria Evora. Traditionnellement joué pour les mélodies à l’accordéon (gaïta) et pour les rythmes à l’aide d’un couteau frotté frappé contre une barre en fer (ferrinho), le funana fut interdit par les autorités coloniales portugaises dans les années 60 et early 70, car vecteur des idées qui ont conduit à l’indépendance le 5 juillet 1975. Un peu plus de 20 ans plus tard, Ferro Gaïta électrisait ce genre très dansant, en proposant une version tradi-moderne dans laquelle on entendait ces deux instruments emblématiques, mais aussi les instruments d’un orchestre moderne (basse, batterie, guitare). Ce sont ces musiciens qui seront sur la scène de l’Espace Julien, le 22 juin, pour fêter avec un léger décalage du fait de la crise sanitaire, leur 25èmeanniversaire. Les 24 et 25 juin, Africa Fête prend possession du Toit Terrasse de la Friche et présente les concerts de la koriste Senny Camara (le 24) et d’Arka’n Asrafokor (le 25). Senny Camara fait partie de ces femmes qui comme la Gambienne Sona Jobarteh qu’on découvrait tout récemment au Théâtre Silvain (#Caravanserail) ont choisi de s’affranchir des coutumes et traditions qui ont fait de la kora, un instrument principalement et presque uniquement jouée par des hommes et dont l’enseignement se transmet de père en fils. Le monde va ainsi et l’Afrique en fait bien partie. La formation togolaise Arka’n Asrafokorn’est pas étrangère elle non plus à ce monde. Ces musiciens se sont emparés des codes du métal pour inventer leur propre fusion. Les spécialistes pourront noter des emprunts aux grooves péyi (gazo, blekete…) pendant que les néophytes secoueront la tête d’avant en arrière, le fameux headbanging, comme ils le feraient dans n’importe quel autre concert de métal. C’est aussi ça le pouvoir de la musique ! Dans la journée du 25 la Place des Quais qui fait face à la Friche aux Grandes Tables accueillera le village associatif du festival aux nombreux stands associatifs et/ou solidaires, ainsi que des stages d’initiation, des démos, des concerts (Jo Keïta & Jeff Kellner, Banyan et même en fin de journée DJ-set du Ghanéen de Marseille, passé par Londres Ivor Placca aka DJ Ivor.
Africa Fête du 21 au 3O0 juin dans divers enroits de la ville. Toutes les infos sur cette 18ème édition ont ici.