La très grande saga de Radio Nova racontée par celles et ceux qui l’ont vécue et ambiancée à l’antenne ou dans la savane.
À tous les coups, c’est une question de rythme. Trouver le tempo adéquat pour poser sa voix, ses idées, la musique qui fait vibrer. Comme le prouve cette série de reportages signés Sophie Marchand & Isadora Dartial pour accompagner la sortie du coffret « Nova Danse », qui enregistrent des rudiments de claquettes, les mouvements de base de la samba, de la house ou du hip hop, les pas rétros pas si compliqués qui enjaillent depuis 1936 le parquet du Balajo de Bastille, des conseils de compagnons du kompa haïtien, voire du zouk et de la biguine enseignés dans son salon de Bobigny par feu Frantz Déric, musicien et DJ ambianceur de bals aux Antilles. De manière, à chaque fois, beaucoup moins reloue que le prof de batterie vicieux de Whiplash, réalisé par Damien Chazelle – lui-même ex-batteur de jazz enseveli de récompenses, de Deauville aux Oscars.
Le rythme d’écriture est intense dans les turbines de 2H15 avant la fin du monde. Tel un late show à l’arrache, Armel Hemme & Marie Misset prennent le pari d’accoucher de quatre sketchs par jour, volontiers absurdes, toujours liés à l’actu, à propos des fraudes fiscales du ministre du Budget d’un gouvernement de gauche (merci pour ce moment, Jérôme Cahuzac) ou de la disparition d’un glacier (en Islande), en invitant toutes les personnes qui traversent le grand couloir blanc de la rédaction à chanter, crier, imiter Manuel Valls ou parodier les débats cacophoniques des chaînes d’information en continu. L’émission devient également le cadre d’un chantier invraisemblable, résolument tourné vers l’avenir, mais dont le succès pourrait coûter leur place aux deux journalistes : monter de toutes pièces, avec des ingénieurs de Montreuil, un androïde animateur nommé Robi le Robot (comme dans Planète interdite) au moyen d’un financement participatif qui récolta, à l’époque, seize mille euros !
Simulation : s’il avait pris l’antenne à la place de Marie & Armel, qu’est-ce que Robi aurait bien pu dire de… l’invasion de la Crimée – déjà, en 2014 – par la Russie, qui lance la guerre du Donbass dont nous subissons encore les conséquences ? De la disparition inexpliquée du vol MH370 et ses 239 passagers ? De cet autre avion de la même compagnie, Malaysian Airlines, abattu en plein air avec ses 298 passagers quatre mois plus tard, par un missile russe, au-dessus de l’Ukraine ? Qu’aurait dit ce robot des luttes contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ? De la nouvelle saison de Black Mirror ? Du Nobel de Modiano ? De cette coalition contre l’Etat Islamique en Irak et en Syrie ? De la fin de Là-bas si j’y suis de Daniel Mermet, après vingt-six ans de quotidienne sur Inter ? Du nouveau World Trade Center ? De la B.-O. extraterrestre signée Mica Levi pour Under The Skin, avec Scarlett Johansson ? De cette plateforme nommée Netflix, qu’on dit capable de flinguer le cinéma en salles ? De la mort de Lauren Bacall, de Frankie Knuckles, de Paco de Lucia, de Resnais, de Cavanna, de Garcia Marquez ? Du suicide de Robin Williams, de l’overdose de Philip Seymour Hoffman ? Du roman goncourisé de Lydie Salvayre, intitulé Pas pleurer ? De notre interview bouleversante de Chantal Akerman ? De l’élégance de Gaspard Ulliel dans Saint Laurent de Bonello ? De ce freestyle de Mobb Deep dans L’Eléphant effervescent ? Des canicules à répétition ? Ou de cette question que Jacques Chancel peut désormais poser à Dieu en personne : « Et Dieu dans tout ça ? »
Non mais allô, quoi. Mieux vaut que Robi n’ait jamais vraiment fonctionné, en tout cas pas aussi bien que l’intelligence artificielle dont Joaquin Phoenix tombe raide dingue dans Her de Spike Jonze. Rien ne remplace un cœur battant. Prenons l’exemple de ce journaliste politique de Canal+, Reza Pounewatchy, qui s’infiltre OKLM sur notre antenne, jusqu’à co-animer les Nuits Zébrées… qui célèbrent leurs dix ans à travers un triplex – avec concerts simultanés de Mustang, CongopunQ, C2C ou Jennifer Cardini – à Lyon, Nantes et Marseille. Rép’ à ça ou danse le zouk, foutue machine.
Réalisation, mixage : Malo Williams.