Retour sur une année de rap en un peu plus de 50 morceaux.
Associé à une émission Grünt spéciale rétrospective de 2017 où les tendances de l’année ont été analysées, retrouvez ci-dessous le classement commenté et très personnel des 50 morceaux qui ont fait une année de rap francophone en 2017.
50. NISKA – Réseaux / Salé
Comme ça c’est réglé et on en parle plus. Oui ce mec sait faire des tubes.
49. ORELSAN – Dans Ma Ville On Traîne
Déprime de diagonale du vide, c’est la toute la science de l’écriture d’Orelsan. « Sous un putain de crachin Normand, elle est même pas foutue de pleuvoir correctement », morceau dédié à une ville qu’il narre sans fard. « Dans Ma Ville on Traîne » est un moment de bravoure dans un album auquel on peut reprocher un enchainement de scénette qui pourraient presque être des sketches. Mais sur ce morceau, la plume d’Orel devient délicieusement cinématographique, « Youhou, ouais, le caddy des parents ralentit devant pizza dell’arte ». Avec ces phases, Orelsan arrive à mettre le temps en suspension, ce qui est le propre d’un grand lyriciste.
48. MAZOO – Techniques Ancestrales (Nouvelle Conscience Version)
Codéine et technique. Comme quoi c’est possible. Du rap de Lyon. Comme quoi c’est possible.
47. ISHA CABALLERO HAMZA – Coloris
Ce morceau est juste un indice pour la suite de ce top.
46. HARISTONE – Stupéfiant
Un potentiel mélodique fou, qui s’améliore de sortie en sortie. Haristone touche du doigt sa recette. Pour le moment, elle est dans le shaker, une fois servie dans un grand verre, sans doute l’année prochaine, on va déguster.
45. JOVI – Devil No Di Sleep
Impossible de parler de rap francophone sans évoquer l’étendue des productions que l’on peut trouver sur le continent africain. Un océan à explorer qui mériterait un top à part, mais si on devait retenir un titre, ça serait ce tube de Jovi, morceau bilingue straight from Yaoundé.
44. LASCO– Slalom
Chaque année, Lasco sort un morceau qui fraye son chemin dans ce top. Il est toujours dans ses temps de passage en 2017. Le Luc Alphand du Game. Plus qu’à atteindre le trône.
43. DOUGGY – #QuidAutre / Cloudya
Débarqué de nulle part avec deux titres qui fonctionnent parfaitement et beaucoup d’espoir pour ce Kid.
42. SLIMKA – Diego
Premier blaze du triangle d’or de Genève : SWK. Avec Diego, Slimka franchit un nouveau palier pourtant déjà entamé avec un premier projet sorti cette année. Ce type a trois ans de rap dans les pattes et apprend vite. Ça doit en faire gamberger d’autres en effet.
41. M LE MAUDIT – Ylies
On attend ce projet très fort. M le Maudit de LTF a travaillé toute l’année aux côtés de Yung Coeur, un producteur de l’écurie 75e session. Avec ce premier extrait, on sent une alchimie qui laisse à présager le meilleur. Tu sais qu’on t’attend Yliès.
40. NELICK – Le ciel est couleur cocktail
Un des rookies de cette année, à suivre de près. Des années de rap et ça se sent même dans des registres turn-up qui ont si souvent tendance à oublier rimes et sens. La force de Nelick est qu’il arrive à y glisser un supplément d’âme.
39. L’OR DU COMMUN – Apollo
« Le vent de Belgique, transportait de la musique » chantait Alain Souchon, juste pour citer le vrai PDRG. Donc pour pas le froisser, on va dire qu’il avait raison Alain, comme souvent d’ailleurs. 2017 a été l’année non pas de l’explosion, mais de l’avènement définitif de la Belgique. Ses emcees ont inondé le rap francophone et après le numéro 47, on poursuit donc avec ce titre. Belgique. Épisode 2.
38. DEAD OBIES – Higher.
Morceau clôture de l’EP Air Max qui témoigne des explorations musicales actuelles des Dead Obies. Cette année le Québec avait encore des choses à dire.
37. PLK – All Night / Tenebreux
Des prods incroyables, quelques gimmicks qui flinguent. Mais on se dit que ce projet n’était qu’une étape. PLK doit être irréprochable sur le prochain projet, et 2018 est à lui. On a claqué tout notre PEL sur ton dos bro, make us rich now.
36. YOUV DEE X COYOTE JO BASTARD – Dans Le Sprite
Un banger pour se taper la tête contre les murs en écoutant des textes qui ne dénoncent pas beaucoup de choses. Et puis se faire un bon sirop pour oublier la douleur.
35. MOHA LA SQUALE – Bienvenue à la Banane
La bulle internet du rap game de 2017. Il fallait acheter des actions très tôt car c’est allé très très vite. Une sincérité qui fait un bien fou dans le game et justifie à elle seule l’explosion du monsieur. Maintenant, il va falloir sortir du jeu d’un son par semaine, garder ses meilleures phases pour les compiler dans des 16 mesures denses et convertir le phénomène médiatique en rappeur. Parce qu’on a peur d’une récupération tous azimuts et qu’on lui brûle les ailes. Et parce que le mec est tellement formidable qu’il mérite de tout péter.
34. LALA &CE 667 – Bright / Cabriole 78
Univers à part et talent réel. La emcee développe une musique à la fois personnelle et insaisissable, dans la lignée de son collectif 667, sans doute un des plus avant-gardistes du moment. Radar 2018.
33. DI MEH – No Stress
Deuxième maillon suisse, Di Meh se gave aux super bonbons pour Pokémon et continue d’évoluer. Le rappeur a muté sur scène, mille fois plus juste et précis qu’auparavant. Chaque projet est plus carré que le précédent. Comme tous les ans, on attendra le 10 mai 2018. Date où il sort traditionnellement ses projets. Force Mehdi.
32. JOSMAN – Dans le Ciel
On attendait beaucoup de ce projet, et on y trouve quelques bons morceaux, et même ce très bon « Dans le Ciel ».
31. HUGO TSR – Rei
Si le rap est devenu éternel, c’est grâce à des mecs comme Hugo. À chaque nouvel album, il ne prend pas une ride, son rap fait du bien parce qu’on retrouve ce qui nous a toujours fait hocher la tête. Un jour Hugo aura une statue devant la Mairie du XVIIIe.
30. VEERUS – Mercure
Un des plus grands de sa génération. Comme d’hab vous dormez. Plus de collab’ avec Ikaz Boi par pitié. Et vite.
29. HESKIS – Gas Station
Là y a rien qui dépasse. Prenez vos cahiers de rimes. C’était bon de le revoir cette année.
28. FIXPEN SILL – Tire en L’air
Tout pareil. Tontons Vidji et Kéroué pourraient donner quelques cours du soir à quelques rappeurs.
27. VESTI & M LE MAUDIT – Respect
Fusion de deux emcees qui baroudent ensemble depuis longtemps et qui s’inspirent mutuellement.
26. SNEAZZY feat. CABALLERO, ALPHA WANN, DOUMS – Parle Pas Trop
Guette le casting, déjà t’as compris. Guette le passe-passe d’Alpha et Doums à la fin du morceau et là, par contre, t’as toujours pas compris.
25. HANKOCK – Dark Angel
Ça, pour les « emcees » qui ne sont jamais sortis d’un studio, c’est un rappeur. Un mec qui a plus rappé sur des bancs et dans des open mics que derrière une vitre. Et ça s’entend.
24. PANAMA BENDE – Gros Plavon
Sortir un projet aussi carré à autant de emcees relève quasi de l’impossible. Sortir un tel banger à autant, là, c’est un exploit. PB valeur sûre.
23. TRIPLEGO feat. PRINCE WALY – Cali
Quel projet incroyable. Triplego développe depuis longtemps déjà son propre univers sur des productions très lentes et de longues nappes autotunées, sans qu’on puisse pourtant y calquer un genre quelconque. Triplego prend de la hauteur sur le game et vit dans ses propres cumulonimbus. Invité et confrère montreuillois, Waly confirme qu’il a bien du sang royal sur ce couplet.
22. HAMZA – Godzilla
Belge, saison 3. Nier que ce mec est un hitmaker né, c’est ne pas saisir les enjeux du rap actuel. Aux États-unis, il serait déjà numéro 1 des charts.
21. S-PRI NOIR – Skywalker
Ce mec va plier le game avec son album. C’est écrit.
20. ROMEO ELVIS feat. GREMS – Nappeux
Belge, saison 4. Le don pour faire des hymnes qui hissent le pavillon Noir Jaune Rouge.
19. LESRAM – Relance
Si tu cherches encore des emcees qui riment, qui racontent des choses et dont le delivery est parfaitement technique, alors Lesram est ton homme. Le genre de emcee qui fait du bien au rap. Merci.
18. DOUMS – Zénith
Depuis le temps qu’on attendait ça, on se disait que ça serait difficile. Résultat. Ce tube. Une réussite qui pue la vérité. Doums. Un vrai OG.
17. ICHON – Maintenant / Dans Le Million
Des années dans le game et une nouvelle livraison cette année avec son lot d’excellents titres. Ichon court de plus en plus vite derrière le blue et la vitesse.
16. BOOBA – Drapeau Noir / 113 feat. DAMSO
Le plus grand chanteur français en activité est toujours là. On est rassurés sur sa santé. Johnny qui ? Sur «113 », qui est plus un morceau de Damso, le passage de témoin s’opère, avec peut-être le couplet de l’année.
15. INFINIT– Sud-Est / Intro / Porsche
Rappeur incroyable. Projet hyper abouti et varié pour un emcee inclassable, un des meilleurs rimeurs du game, avec des images qui frappent à la rétine. Le sud peut tout faire.
14. O’BOY – Cobra
Un morceau, et puis rien cette année. Mais une putain d’envie de savoir ce qui va suivre tant celui-là laisse à penser à une série de gros tracks.
13. YES Mc CAN – Louvre / FPTN
Yes Mc Can signe deux grands morceaux dans son EP solo, un banger et un morceau plus introspectif, registre qui lui va bien.
12. KRISY – Belle & Blessed.
Sample cramé de Spandau Ballet, oui mais le voilà magnifié par Ponko et Krisy. Krisy est dans l’écriture de l’immédiateté, ce qui ne l’empêche pas d’avoir un univers pensé et muri de gentleman rimeur. Un registre qu’on retrouve sur son EP paradis d’amour et l’excellent titre « Blessed ».
11. KALASH feat. DAMSO – Mwaka Moon
Il y a de cela quelques années, Damso rappait « comment faire un tube ». Clairement, il a depuis éprouvé la recette. Morceau imparable que tu fredonnes dès la première écoute. Ça fait déjà beaucoup de Damso en 2017.
10. MAKALA – Ginger Juice
De l’intérêt de sortir son top après Noël. Sur le fil du rasoir, le 24 décembre au soir c’est Makala qui remporte la palme des Suisses avec un titre exceptionnel. Ginger Juice, produit par son acolyte de toujours Pink Flamingo, aka Varnish la Piscine. Ce qui est intéressant avec ce duo, c’est qu’il s’affranchit des codes, et on sent jusqu’au nom emprunté par Varnish La Piscine des références à Odd Future, comme Tyler The Creator ou encore Earl Sweatshirt, des modèles de liberté dans le rap. On pense en creux aussi à Pharrell et les Neptunes. Ces deux-là peuvent signer un classique avant 2020. Et Makala a des meilleurs moves de danse que ton tonton bourré au mariage de ta nièce, ça c’est certain.
9. SOPICO – 3.33 % Same Shit Volcano
Quelle année pour Sopico !!! Une des plus grosses excitations de 2017 ! Après être passé dans la salle du temps du DOJO et avoir appris à composer ses propres instrus au-delà de son instrument fétiche qu’est la guitare, il s’apprête à dévoiler un album intégralement composé par lui-même et qui s’annonce comme le rendez-vous de 2018. Tout ce qu’il a sorti cette année mérite déjà l’oreille.
8. VALD – Dernier Verre
Vald flirte parfois trop souvent avec l’indicible et l’écoeurant mais il est difficile de nier sa diction et son talent de rappeur. On ne retiendra donc que ce titre en clôture d’Agartha. Récit magnifié d’une nuit de descente aux enfers alcoolisée. Ou comment « Dernier verre » devient le Voyage au bout de la nuit d’un Vald sous autotune…
7. ISHA – La Vie Augmente / Frigo Américain
Le joyau brut issu de la Belgique. Avec « La Vie Augmente », Isha dévoile un rap brut, corrosif, sans chichis et criant de vérité. Isha manie les images avec une élégance rare, fruit d’une longue expérience dans le rap. Chaque ligne touche au coeur. Le propre même du rap. Mais surtout, chaque ligne prend place dans un univers qui lui est propre. Faisant de lui un artiste au sens noble, loin des one-hit wonder qui pullulent dans le rap. Ni new school, ni old school, le rap d’Isha est ailleurs car il est intemporel. Comme les classiques, il ne prendra pas une ride.
6. NEPAL – Kodak White / Maladavexa
Deux ans maintenant que Nepal surclasse le rap français par la qualité de ses rimes et de ses couplets ciselés. Une variété de flow extrêmement rare. Son rap est une balle rebondissante et il n’y a qu’à l’écouter dans un freestyle entouré d’autres emcees pour voir que le rap lui coule dans le sang. On attend un album définitif comme on attend Detox.
5. Caballero & JeanJass – Sur Mon Nom
Si on suit ces deux emcees depuis une éternité maintenant, leur fusion a tout de même une saveur particulière. En début d’année, avec « Sur Mon Nom », Caballero & JeanJass avaient déjà tout flingué, un banger ironique qui est la touche si particulière des deux rappeurs. On a hâte de les retrouver chacun dans leurs registres, aussi.
4. KEKRA – 9 Milli, Walou, Envoie la Monnaie, Intermission, Proprement dit, Hilguegue, Uzi….
Il fallait évoquer le phénomène qu’est Kekra, qui a dévoilé deux projets cette année et qui fait figure d’ovni, tant il est un des seuls rappeurs français à explorer les instrumentales Uk Garage et 2 step, ce genre de musique électronique apparu au Royaume-Uni et qui cherche à rompre avec les patterns rythmiques de la house traditionnelle. On sait que le jeune Kekra allait dans les raves, à Londres, et qu’il se prend alors de plein fouet la scène grime qui rappe sur ces productions garage et 2step. Parce qu’il est quasiment seul dans cette démarche créative, ce qui est rare dans un rap game où tout le monde se copie, Kekra est un des rappeurs de l’année. « 9 Milli », « Intermission », « Walou », « Hilguegue », « Proprement Dit », sont autant de tubes parfaits. Kekra est en train de définir le game de 2019, et pour le moment, il est seul dans sa catégorie.
3. LOUD – 56K, Devenir Immortel, Nouveaux Riches, Toutes les femmes savent danser.
Un des trois meilleurs disques de l’année nous vient du Québec, et il est signé par une plume hors-norme, Loud s’affranchit un peu du franglais qu’il n’utilise presque plus que pour la polysémie de ses rimes, et navigue dans des registres d’écriture variés et toujours parfaitement appréhendés. Emcee et lyriciste, son disque est complet et mérite plusieurs degrés d’écoute pour saisir toute la subtilité de quelques images. Déjà sur l’EP où figurait « 56K », une phase comme : « Ils pensent tous que j’suis ricain quand j’leur parle de Où J’Vis » et cette paronomase folle sur le nom de Shurik’n devrait faire réfléchir plus d’un rappeur. La France semble être sur le point de comprendre et c’est une bonne nouvelle quant à la curiosité du public rap d’ici.
2. DAMSO – Mosaïque Solitaire
Comment ne pas admettre que 2017 était l’année de Damso ? Chaque morceau sur lequel il rappe devient un tube, son album (Ipséité) est une merveille, « Macarena » est l’un des quatre titres les plus streamés de l’année. Le nouveau roi du game est belge et ça, pour un petit bout de temps. Son chef-d’oeuvre ultime au milieu d’une année parfaite reste ce titre, « Mosaïque solitaire », qui condense les flows, les mélodies, les thèmes et l’univers de Damso. VIE.
1. LOMEPAL – Flip (Ouais, tout l’album)
Comment mettre quelqu’un devant Damso cette année alors ? Déjà, en classant un disque au complet. Et puis simplement parce qu’il est le disque que l’auteur de ce top a le plus écouté cette année. Flip est une oeuvre cohérente de bout en bout, tout en étant variée dans ses thèmes et ses registres d’écriture, de l’ego-trip absolu de « Palpal » au dévoilement complet de « Sur Le Sol ». Il y a du Gainsbourg moderne dans la plume d’Antoine. Flip raconte les errements de trottoirs et de coeur d’un gamin de Paname qui n’a jamais la prétention de s’ériger en porte-parole.
Ce qui est intéressant avec ce disque, c’est qu’il vient clore une trajectoire, celle d’un rappeur à l’amour quasi maladif pour la rime technique et multi-syllabique. Aujourd’hui, ces dernières sont tellement maîtrisées qu’elles infusent dans des chansons pour délivrer un disque universel et qui parle à tous.
Avec Flip, Lomepal se joue des codes rap sur tous les plans. De la pochette, où il se travestit jusqu’à la composition, faisant de Flip un disque de chanson mutante et moderne. Le plus grand chansonnier de cette année est un rappeur. Prends ça le rap game, 2017 est à toi Antoine.