Un Jean Morel légèrement enthousiaste à l’idée de vous partager son top 50.
2018 s’achève et c’est une nouvelle année de rap francophone qui mérite une rétrospective. Celle-ci est extrêmement personnelle, à la première personne et s’expose donc à des absences ou des oublis pour certains auditeurs qui défendent leurs poulains comme leurs propres rejetons. Il est aussi probable qu’il n’y figure pas la mixtape de votre cousin qui avait annoncé que personne n’était prêt pour son projet en 2018. 2018 c’était bien, et dans mon casque c’était ça.
50 / GranTurismo – Hold It Down
Qu’est ce qu’il se passe dans ce rap jeu pour que personne ne parle pas de ça ?
49 / Moka Boka – 1000 Plans
Rap de feu de cheminée.
48 / Routs Wayne – Why Not
Et pourquoi pas lui ?
47 / Stensy – Boîte à gants
Mon péché mignon, est-ce encore du rap ? On s’en fout, c’est bien. « Bébé viens chez moi qu’on s’ennuie ensemble ». L’amour post-Netflix, on en a parlé avec lui en septembre dernier.
46 / Nelick ft. Lord Esperanza – Rooftop
Nelick m’a accompagné toute l’année notamment à deux reprises dans la Grünt Tunes. L’amour en 2018 c’était de l’autotune et du Candy Up. Le plus beau, qu’on suivait déjà de très près en 2017.
45 / Ico – Khalifa
Il y a tellement de choses à dire sur ce morceau. Un ego trip fantasmé devant une page d’accueil de PornHub. Mia Khalifa, le sexe avec la mère et la fille. Des références à Kaaris et Booba partout dans les couplets. Et cette série de phases : « Je sais que mes textes sont d’une banalité, si je parle pas d’armes c’est que je suis pas broliqué, Je remarque même pas une voiture banalisée ». Un rappeur dans sa chambre d’ado qui alterne entre clips de rap et onglet en navigation privée. On avait la même vie : ICO. Et si c’était ça le réalité rap ?
44 / Slimka – Supsup
Et ça c’est le morceau pour quand tu sors de ta chambre d’ado pour aller turn up en club en espérant serrer ta Mia Khalifa, mais en vrai tu sais très bien que tu vas finir avec tes srabs. Slim K est futuriste, on doit inventer des moves pour suivre ses placements.
43 / Di-meh – Chanel
La Suisse a définitivement ouvert les frontières. Mamacita, ce jeune skateur a aussi besoin de love, il cherche son égérie Chanel, merde. On l’a rencontré en juin.
42 / Josman – LOTO
Les années passent et on attend toujours beaucoup de Jos. Maintenant il faut gratter le ticket gagnant.
41 / Vald – Résidus
Prolétaire, mais trop déter pour rester tel quel. Le double platine ne rend pas heureux. Un jour, peut-être que Vald aimera tout le monde. Sans exception.
40 / Lord Esperanza – Et alors ?
Un titre pour rappeler qu’il sait le faire. Lord rappe avec une écriture performative, c’est parce que ses promesses riment qu’il les tiendra, un pote fidèle, dans la Grünt #31 comme en interview.
39 / 7 Jaws – Shadow Boxing
Génération XXXTentacion. Beaucoup veulent le faire, rares sont ceux qui digèrent bien l’influence. C’est le cas de 7 Jaws. On a parlé de son emo trip en interview pas plus tard qu’au mois de novembre.
38 / Sopico – J.Snow
Sopico va sortir un disque et il sera le Anderson .Paak français. En attendant, même ses performances à l’entraînement sont brillantes. Ses références aussi.
37 / Dead Obies – Run Away
Un clip Xavier Dolan, un morceau de vraie vie queb. Ils sont doués. Mais ça on le savait depuis la Grünt #30.
36 / Zamdane – Disaster
Mon Zam. Du rap d’aujourd’hui avec des vrais bouts de vie dedans. 2019, les astres sont alignés. Il va le faire. Des morceaux qui le racontent et qui parleront à tous, comme la Grünt #34.
35 / Makala – YouJizz
Décidément, beaucoup d’occurences pornographiques dans ce top. Makala est sur une autre planète. Le Youtube game ? très peu pour lui. Il vise les Hot D’or.
34 / Veerus – Palpatine
Année après année, le rimeur d’exception rappelle à tous ceux qui ont tendance à oublier ce que c’est que le emceing. Les rappeurs que vous streamez espèrent rapper un jour comme lui.
33 / Lary Kidd – Ce monde-là
Lary Kidd fait des fringues, qui sont belles. Mais il continue à faire du rap fleuve avec des morceaux brillants et qui racontent tout, comme « Ce monde-là ». On a parlé de son identité de rappeur québécois et de plein d’autres trucs en interview.
32 / Hatik – Chaise Pliante Part. 2
Ce type-là c’est mon pari pour 2019. Il va tout péter en quelques mois. C’est écrit. Vous le savez. On se rappelle en décembre 2019.
31 / O’Boy – Extra
On attend toujours l’album du retour de Joke ou ateyaba, ou on sait plus trop. O’Boy commence à occuper tout l’espace et il le fait bien. On a rencontré ce trappeur solitaire en mars dernier.
30 / Senamo – C’est mon boulot ft. Roméo Elvis
La Belgique je crois qu’il n’y a plus trop besoin d’en parler. Si ce n’est que cette année, Senamo a peut-être sorti un morceau le plus arrogant-mims du game. Rap de plein emploi.
29 / Rim’K – Air Max ft. Ninho
Quand tonton sort un album il est impossible de ne pas l’interviewer, encore moins de ne pas le mettre dans un top. Il est au patrimoine mondial de l’Unesco du rap français, ça ne veut rien dire mais c’est écrit. Et puis sur ce morceau il y a l’homme qui offre des disques d’or à chaque feat., Ninho, clairement l’un des personnages centraux de l’année.
28 / Gringe – Qui dit mieux (feat. OrelSan, Vald, Suikon Blaz AD)
Morceau All-Star game d’une certaine idée du rap français. Tapez « banger » dans la barre de recherche.
27 / Georgio – J’roule
Si tu veux du réalité rap, c’est là qu’il faut frapper. Retour tout rap tout flamme pour Georgio, qui met juste des rimes sur sa vie. Le rappeur le moins travesti du game. On a retracé son parcours de geek du rap en interview.
26 / Nemir – Ça sert
Le retour d’un prince, un album mirage qu’on attend désespérément et de la chanson rappé avec des placements à faire pâlir tous les emcees qui se disent techniques. Tapez allitérations et paronomases dans votre barre de recherche. Nemir brise le silence.
25 / Green Montana – Briquet
Belgique encore. Quand Isha te donne de la force, c’est forcément qu’il y a une bonne raison. Green Montana a allumé la mèche en 2018, le plus cainri des Belges.
24 / PNL – 91’s
Deux petits morceaux et puis s’en vont. Le premier single non-clippé de PNL. Pas besoin, ils savaient qu’ils avaient le tube de l’été et qu’ils seraient responsables d’un + 4% de croissance des petits parasols à la clôture du CAC 40. Rap de dividende.
23 / Zkr – Nord FVCE (ft. Anas, Krilino)
L’empreinte du 113 et de DJ Mehdi sera éternelle sur le rap français. Princes de la tess 2018. J’ai beaucoup trop dansé sur ce morceau.
23 / Supreme Wavy – MTP Cartel (ft. Ave)
Rookie de l’année ? Quelle carte de visite. Wavy achète beaucoup de Supreme, il est temps de le payer pour éviter le surendettement.
22 / PLK – 250
Entrée fracassante en Y dans dans le petit cercle des rappeurs qui comptent pour PLK cette année. Petit polak devenu grand. En interview, on lui a demandé s’il était né rappeur.
21 / Maes – Billets Verts
OBSESSION, nom féminin : Idée, image, mot qui s’impose à l’esprit sans relâche. C’est ce qu’il se passe à la première écoute de « Billets verts ».
20 / M Le Maudit – Soleil Noir
Le petit chef-d’œuvre trap intimiste de l’année. M est Maudit, le Soleil est noir, tout n’est que contraste. À part le talent qui est éclatant.
19 / Tengo John – Cityzen Spleen (ft. Prince Waly)
Grosse année pour Tengo, deux projets, une infinité de registre d’écriture, et, ceux qui ont vu la Grünt #36 le savent, il roule avec les meilleurs. On glisse Waly au passage, parce qu’une année sans le Prince Waly ne mérite pas de s’achever.
18 / Infinit’ – Tout le faire gang
Être un rappeur qui réussit, c’est avoir suffisamment d’influence pour que ses gimmicks et expressions deviennent des idiomes. Infinit’ rappe comme lui-même, c’est devenu rare.
17 / Limsa d’Aulnay – FF
Comment l’un des meilleurs de ce game peut-il sortir si peu de morceaux ? Quel morceau, quelle pavanance, quel rimeur. Ceux qui ont vu la Grünt 35 savent que le couplet ASB est l’un des textes les plus fous entendus cette année. Comme on disait dans les années nonante, « Dis-Leur Salim », par pitié.
16 / Flynt – Dos rond
J’ai 30 ans. Je suis foutu. Du coup Flynt me parle plus que jamais. Tournure de phrases, jeu lyrical, impact des images, discours social. Tout est là. Un tuto de rap contre les regrets.
15 / TripleGo – Iris
À Montreuil, dans un laboratoire, est créé au quotidien un rap qui ne peut exister que là. Un tropisme français avec toute une histoire de métissage à deux visages. Celle d’une jeunesse issue de l’immigration, celle d’une scène française où musique électronique et rap fonctionnent par porosité. Un emcee rare, un producteur d’exception. TripleGo est un fleuron national.
14 / Booba – Friday
Comme ça que je me réveille depuis la sortie de Trône. Morceau réveil-matin pour aller chercher le platine. Ou juste espérer le week-end.
13 / Freeze Corleone – Jeremy Lin
Complotisme et matrixage de cerveau. Pas certain qu’on veuille entendre l’avis de Freeze Corleone sur des enjeux historiques et politiques, mais si vous voulez vous griller des neurones c’est la musique idéale.
12 / Hamza – Bae (ft. Caballero & JeanJass) + Sans Toi (ft. Myth Syzer)
Toujours le meilleur topliner. Hamza transforme chaque morceau sur lequel il pose en hymne R’n’b qui faire croire qu’on peut envoyer n’importe quel texto de lover un peu discount à une fille et que ça peut marcher. Rap d’espoir. En interview, on a retracé avec lui l’itinéraire de ce Casanova du rap belge.
11 / Caballero & JeanJass – La Lettre (Pt. 2)
Beaucoup à dire sur ce duo cette année. Celle de la consécration par le grand public. Des prouesses d’écriture comme sur « La lettre Part. 2 », un morceau drôle et intelligent comme les deux loustics.
Paradoxalement leur meilleur morceau de l’année n’est pourtant pas sur Double Helice 3, c’est « Tu Connais pas ». Tube parfait.
Enfin, pour compléter le tableau, Caba et JeanJass défouraillent tout en freestyle et surtout en feat. Tosma avec Isha, le merveilleux morceau avec Yes McCan et un couplet anthologique de Caba. Mention spéciale à JeanJass pour son couplet sur X-Men. Les seuls mecs que tu veux inviter à Noël. Tu sais qu’ils auront les plus beaux cadeaux pour honorer l’invit.
Pour ne rien faire comme tout le monde, on les a interviewés séparément dans Grünt : le roi des Belges, Caba, d’abord, le Jeune et Jénial JeanJass ensuite.
10 / Enima – For The Low
Techniquement pas de 2018. Tout est amoral dans ce morceau. L’histoire d’un rappeur tombé pour proxénétisme et qui s’en vante comme personne. Vu que c’est déjà grave de le voir si haut dans ce classement, vous ne me tiendrez pas rigueur de l’anachronisme.
9 / Naar (Shobee, Madd, Laylow) – Money Call
Le futur du rap vient-il du Maroc ? On mise en tout cas absolument sur le collectif Naar, et on remercie LayLow d’être à la hauteur pour représenter le rap français dans ce morceau tant Shobee et Madd déglinguent la prod.
8 / Lomepal – Ma Cousin
C’était l’album du succès, donc il fallait bien qu’il se la raconte un peu plus. Du coup c’est mon morceau préféré du projet. Lomepal parle beaucoup de doutes, mais il savait très bien qu’il était trop fort depuis trop longtemps. Tu nous la fait pas Antoine. On te connait depuis trop longtemps. En fait, depuis la Grünt #1.
7 / Kekra – J’Travaille + C’est Bon
Il y a très longtemps dans une galaxie très lointaine, Kekra était numéro des ventes partout. Le rappeur musicalement le plus inventif, qui nous regarde depuis 2021. Du coup c’est le seul qui connait les conséquences réelles du réchauffement climatique. Kekra au Collège de France. On a dédié une émission entière a essayer de comprendre cet OVNI masqué.
6 / SCH – Otto
L’un des albums les mieux construits et les plus aboutis de l’année. Un film, une comédie musicale dans les bas-fonds mafiosi. Martin SCHorcese.
5 / Népal – Evisu
Des chercheurs se penchent déjà sur un dictionnaire du lexique de Népal. Il a sa propre langue, ses propres flows. Cette technique de production et de placements qui le rend immédiatement reconnaissable. Alors que tous cherchent à rester le plus proche possible de la tendance, Népal est enfermé dans la salle du temps, il fait ses disques, les emballe lui-même et les envoie à une élite éclairée. Rap d’oligarque.
4 / Damso – Lithopédion
Damso est une littérature, une œuvre qui se répond, se prolonge, s’analyse à la lumière d’un corpus discographique. Lithopédion n’est déjà pas le disque le plus évident à la première écoute et il se complexifie à chaque replay. Des finesse subliminales d’écriture, de grands thèmes d’exploration d’une sociologie sans artifices, crue, et terriblement réelle. Damso ne se comprend pas sur une phase. Son rap s’articule dans des méandres qui se répondent de mesures en mesures.
3 / Dinos – Imany
Que dire de ce disque ? La surprise de l’année, dans une cuvée 2018 qui ressemblait beaucoup à celle de 2017. Et puis le miracle. Cet album de Dinos, qui dès la première écoute suscite quelque chose de particulier. Un pas de côté, à l’écart d’un rap qui tend vers de la musique au mètre. Hyper référencé, Dinos s’inscrit dans un héritage. Celui d’un rap qui ne se suffit pas à lui-même, où la rime fait sens, existe pour une raison précise et se met au service de l’émotion ou de la revendication. Un album complet pour du rap total.
2 / Isha – LVA2
Tout l’homme. Chacun des morceaux. Ouvre-toi le bide et répand tes tripes sur la page. Tu pourras découvrir le rap d’Isha comme un haruspice qui lit dans les entrailles. Le rappeur le plus écorché vif, l’attitude d’un OG en plus. En 2018, je voulais être Isha. Mais personne ne peut être Isha. Je peux donc juste lui dire à quel point j’aime sa musique. Bravo.
1 / Alpha Wann – Le piège + Pour celles + tout le fuckin album
Alpha Wann est le dernier rappeur qui rappe. Il est donc tout seul, sur le Mont Olympe. Et regarde le commun des mortels se demander comment il a pu trouver cette rime. Des années que les auditeurs de rap érudit savent qu’il est le meilleur. En 2018 il avait la tâche immensément difficile d’être au niveau d’une réputation et des espérances. En bon Kylian M’Bappé qu’il est, un album classique plus tard, Alpha est sur le trône. La place qui lui revenait depuis ses premiers pas à Pernety, où même son patronyme indiquait qu’il serait le premier. Alpha n’est pas un Beta, c’est le A One. Le rappeur qui faisait peur à tous les rappeurs l’a fait tout seul ou en famille. Un album complet aux thèmes variés, où chaque mesure est impeccable, un travail de joaillier. L’excellence. Altesse Wann.
Le classement complet, en playlist :
Grünt, l’émission de rap francophone de Jean Morel, en podcast.
Visuel © Alpha Wann, UMLA (2018)