La très grande saga de Radio Nova racontée par celles et ceux qui l’ont vécue et ambiancée à l’antenne ou dans la savane.
« Rends-moi le soleil que tu as caché dans tes poches / Déposez-moi là sur l’étoile la plus proche / Demande au ciel si l’avenir sera moche / Je recolle le nôtre avec des petits bouts de scotch. » Il a dû se passer un truc pour que Biga* Ranx, astre montant du dancehall hexagonal équipé en 2020 de sa Sunset Cassette, nous envoie une recette de soupe polonaise depuis son studio tourangeau. Yeah les confiné·e·s, ça fait chaud dans le coeur. Étranges souvenirs. Pangolins maltraités sur le marché de Wuhan. Patient zéro. Mains lavées six fois par jour, vigoureusement. Masqué·e·s-ganté·e·s au supermarché et, pardon mais : laver ses courses en rentrant ? Attestations de déplacement, y compris pour marcher sur la plage. Couvre-feu et bars clandés. Clique & collecte à ton gré le nouveau variant brésilien, anglais, sud-africain, indien. Fêtes en journée et coups de fil longue durée à des ami·e·s perdu·e·s de vue. Le président répète que nous sommes en guerre. Urgences débordées et applaudissements à 20h pour le personnel hospitalier. Écouvillons dans le pif, coudées et checks du pied. Apéros Zoom et shots d’hydroxychloroquine au comptoir du vaccinodrome, troisième dose ou antivax et complots à gogo. Barbe bicolore d’Édouard Philippe. Prenez soin de vous. Anniversaires en solitaire. Rattrapage en séries, qui disent beaucoup sur l’époque : Euphoria, Watchmen, Years & Years, En thérapie.
Sangliers au centre de Barcelone. Daims en liberté dans les rues de Boissy-Saint-Léger. Alligator pas prêt de devenir un sac à main dans une zone commerciale de Caroline du Sud. Avions sur le tarmac. Printemps à la fenêtre et plus un bruit dans Paris, à part le chant des oiseaux. Mais aussi, en 2020 : cyclones, fournaises, inondations, invasion de criquets dans la corne de l’Afrique, double explosion dans le port de Beyrouth. Sensation persistante que l’univers continuera sans nous, comme le chantent les bien-nommé·e·s Catastrophe sur Solastalgie – mot qui décrit notre détresse, ou éco-anxiété, face à la dégradation continue de la planète. Adieu les cons, crie l’affiche du nouveau Dupontel. Surprise : les écolos gagnent les mairies de Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Grenoble, Annecy ou Poitiers. On aimerait effacer l’historique, selon le titre du dernier film de Kervern & Delépine. On se lève et on se casse, écrit Despentes pour commenter le départ furieux d’Adèle Haenel de la cérémonie des Césars, qui préfèrent offrir le trophée du meilleur réalisateur à Roman Polanski – accusé de viols et d’agressions sexuelles par douze femmes – plutôt qu’à Céline Sciamma et son Portrait de la jeune fille en feu.
Sur Nova, la pandémie grille un bout de notre grille des programmes, mais les gens se remettent à écouter la radio en masse et partagent nos hommages à Manu Dibango, Christophe, Tony Allen, Juliette Gréco, Idir ou Mory Kanté. À la mort d’Ennio Morricone, David Blot décide de clore chaque Nova Club avec un morceau du maestro italien, pendant un an. Joie de retrouver les collègues en présentiel. Jean Rouzaud, dandy punk et historien de l’underground, qui a toujours raison même quand il a tort, part à la retraite non sans distribuer ses livres et ses cravates. Dix-huit ans après avoir démarré au standard, Mélanie Mallet est nommée directrice de notre antenne, qui retrouve une certaine vitalité avec la création de deux espaces physiquement dédiés à la musique live et à la bamboche, qui n’est donc pas terminée. D’abord Chambre noire, animée par Reza Pounewatchy avec la complicité de Judah Roger, accueillant chaque mercredi soir de solides espoirs comme P.R2B, Voyou ou Bonnie Banane. Et le vendredi, de très attendues Teufs d’appart cèdent les platines à Get A Room, Yuksek, Chloé, le collectif Moonshine, Boombass, La Créole ou divers anciens comme Blundetto ou Laurent Garnier, qui seront sommé·e·s de défier notre « manège à trois » de DJs maison : Malo Williams, Smaël Bouaici, Théo Wizman, en bande organisée. La technique, le flow de malade, artistiquement, on se balade.
Réalisation, mixage : Malo Williams.