Court toujours, tu m’interesses.
Il n’y a pas que le Festival de Clermont-Ferrand qui soit dédié au court-métrage. A Brest, ça fait trente-et-un ans que ça dure… Le point sur l’édition 2016 avec Arthur Lemasson, son programmateur.
Deux cents courts métrages seront montrés au festival cette année…
… A peu près. cent quatre-vingt-seize pour être précis. Je ne crois pas qu’on risque un trop-plein. Sur la compétition européenne, il n’y a que sept programmes de cinq films. Le reste s’y est ajouté au gré des envies : tiens, si on faisait une séance autour de comédies venues de pays différents pour voir si l’humour fonctionne de l’un à l’autre ? Et si on proposait une carte blanche à Bernard Menez ? Tout ça s’ajoute et on finit par arriver de fil en aiguille à cent quatre-vingt-seize films. Evidemment personne ne pourra tous les voir, mais il y a des points de repères.
Pourquoi les courts-métrages restent-t-il difficiles à voir en salles en dehors des festivals ?
Il reste un support assez mal représenté, même si des structures comme l’Agence du court métrage conçoivent des programmes pour les salles. Bon généralement, elles prennent plutôt ceux avec des films d’animation, à cause de leur durée. C’est plus compliqué pour les courts qui passent les quinze minutes, alors qu’ils sont un réel espace de liberté narrative ou formelle de diversité culturelle qui n’existe pas toujours dans le long métrage. D’où le rôle fondamental des festivals de courts.
Vous ouvrez cette année une section dédiée aux Webséries cette année. Est-ce que c’est le signe d’une reconnaissance d’Internet comme réel lieu de création pour les courts-métrages?
Exactement. Le but est d’offrir une visibilité supplémentaire mais aussi d’indiquer que les festivals comme le Net sont des circuits complémentaires de diffusion. Cette section s’ouvre pour clairement dire que ce n’est pas parce que les Webséries sont conçues pour Internet qu’elles n’ont pas leur place dans un festival traditionnel. On ne se soucie pas de savoir si un format comme celui-ci rentre dans des cases ou pas, mais s’il est porté par une vitalité, une création.
Avez-vous l’impression que ce type de format a entraîné une écriture, narrative ou formelle justement moins traditionnelle ?
C’est encore un peu tôt pour le savoir. Pour le moment, ce qui modifie les écritures reste la question de savoir si elle est destinée à du long ou du court-métrage. Parce que c’est de là que va découler une économie de fabrication. Pour l’instant, les Web Series sont dans une économie des premiers pas. De ce que je vois ces dernières années, s’il y a des voix, des auteurs qui apparaissent, il n’y a pas de révolution flagrante dans la manière de raconter des histoires. L’arrivée de la vidéo à profondément transformé les choses; Internet n’a bousculé que la diffusion, pas la création.
Pourquoi les gens iraient-ils alors voir des films en festivals plutôt que sur leurs écrans d’ordinateur ou de tablette ?
Parce que la taille de l’écran et l’expérience humaine change tout. Regarder un film sur son smartphone ne remplacera jamais une projection en salle. Pour preuve, la fréquentation de notre festival augmente d’année en année. La seule question à se poser est de savoir si les films sont assez bons pour être montrés.
… Mais aussi de savoir s’ils permettent de dégager des thématiques ou des tendances, non ?
Je ne sais pas pourquoi mais cette année on a vu beaucoup de films qui se passent intégralement dans des véhicules, d’un bus à un bulldozer. On en a donc fait un programme particulier. D’une manière plus générale, il y a quelque chose qui traverse les frontières dans l’interrogation d’un rapport aux nouvelles technologies. Et puis évidemment, question de société oblige : la thématique des migrants, au point d’un risque d’en arriver à en faire un genre en soi.
Vous proposez justement une section OVNI, de films dits inclassables…
Ce sont des films qui tentent d’autres pistes esthétiques ou narratives. Comme par exemple Qui n’a pas sa part d’ombre uniquement constitué d’un mash-up d’images de films d’entreprises qui devient un documentaire sur un ministre (dont le nom n’est pas dit, mais qui reste reconnaissable). On a vraiment fait le pari d’aller avec cette section vers des films extrême dans ce qu’ils montrent comme dans la manière dont ils le font. A l’image de Decorado, très critique sur la société contemporaine, mais en animation, ou Notre héritage, le nouveau film de Jonathan Vinel et Caroline Poggi qui raconte une romance à partir d’images pornographiques. Ce n’est donc pas une sous-catégorie mais une où on annonce la couleur aux spectateurs : vous allez adorer ça, mais soyez surs d’avoir envie d’entrer dans la salle si vous êtes sensibles ! (rires)
A Brest du 8 au 13 novembre. http://www.filmcourt.fr/Programmation-7971-0-0-0.html