C.Tangana, Baiuca, Queralt Lahoz… Radio Nova était au Mallorca Live Festival 2022. On fait le point sur les artistes espagnols les plus marquants de cette édition.
Du 24 au 26 juin 2022, l’île de Majorque accueillait le plus grand festival de musique des Baléares : le Mallorca Live Festival. Trois nuits durant desquelles on a aimé les prestations de Metronomy, Temples, Justice, The Blessed Madonna ou Red Axe, mais qui ont aussi été l’occasion de se mettre à jour sur la scène espagnole qui compose une grande partie de l’affiche. Voici, en cinq concerts marquants, le portrait d’une Espagne qui nous fait vibrer d’un son imprégné de l’histoire musicale du pays, de la tradition flamenca aux groupes punks les plus obscurs de La Movida.
Queralt Lahoz, de l’Andalousie et au-delà
La fin d’après-midi est chaude et le festival commence tout juste quand la voix de Queralt Lahoz se met à résonner sur l’esplanade. Impossible de ne pas penser à Rosalía en entendant ces airs flamencos nourris de sonorités électroniques : il s’agit là d’une voix montante du renouveau de la tradition andalouse. Le personnage est simple, la voix claire et les mélodies captivantes. Quand, entre deux morceaux, la chanteuse exprime sa peine à propos des conséquences toujours présentes du franquisme et l’importance à ses yeux du devoir de mémoire, la foule applaudit avec émotion avant de plonger à nouveau dans la danse.
Dans ce joyeux public, quelques éventails sont levés, les mains claquent et les bras esquissent des mouvements de flamenco. ¡ Bienvenidos a España !
C.Tangana, trinquer avec 27 000 personnes
Quelques heures plus tard, c’est la tête d’affiche du jour qui s’apprête à rentrer sur scène. En 2021, pour l’album El Madrileño, C.Tangana s’était entouré d’immenses noms des musiques traditionnelles latines pour créer ce son unique, où son passé de rappeur et sa voix vocodée jouaient avec le plus pur des traditions hispaniques. Le disque s’est vite installé au sommet des ventes en Espagne, avant de s’exporter dans le monde grâce, entre autres, à la géniale session live pour la radio américaine NPR où les musiciens étaient réunis autour d’une table pour un moment musical d’exception.
Après cela, on pouvait arriver au concert avec une certaine appréhension : allait-il pouvoir conserver la beauté de ce son acoustique, reproduire cette intimité face à des dizaines de milliers de personnes ?
Réponse : oui. Le Madrilène n’a pas froid aux yeux et le spectacle tient toutes les promesses de l’album. Autour des tables qui reproduisent l’ambiance d’un café sur la scène, trente musiciens sont réunis : une section cuivre complète, un octuor à cordes, trois percussionnistes, une guitare électrique, une guitare acoustique et la crème des chanteurs et chanteuses de traditions pan-hispaniques (parmi lesquels Niño de Elche et Antonio et Marina Carmona, le père et sa fille), mais aussi, puisqu’il fallait servir des verres à tout ce beau monde, un acteur jouant le garçon de bar.
Le spectacle est filmique, réglé au millimètre et tout semble pourtant parfaitement authentique. Vingt-trois mille personnes passionnées sont dans le public, et chacune semble avoir sa place pour trinquer autour de la table.
The Parrots, la face rock de Madrid
Quelques secondes après la dernière note de C.Tangana, c’est un groupe à l’horizon bien différent qui prend le relai sur la scène voisine : The Parrots. Même génération, même ville, et même une collaboration entre eux (« Maldito« , en 2021), mais les deux univers sont très distincts. Ceux-là sont du rock, grattent des guitares saturées et quand on leur parle d’héritage musical, ils nous citent avec passion des groupes de l’underground Madrilène des années 1980, de cette révolution culturelle que l’on nomme La Movida. Kaka de Luxe, Los Zombies, Esplandor Geométrico… autant de noms de groupes dont l’on retrouve l’influence dans la musique de The Parrots, où la voix cassée de Diego Garcia interprète avec humour des paroles en espagnol ou en anglais.
Baiuca, haut-parleur du folklore de Galice
Plus tard dans la nuit, la programmation se fait plus électronique. Plus mystique aussi, car c’est Baiuca que l’on attend, ce producteur qui fait vivre la magie du folklore galicien sur la scène électro. La force de sa musique, c’est la grande loyauté qu’il a pour cette culture. « Les Galiciens qui auraient pu être plus conservateurs, traditionnels, ont connecté de manière très naturelle avec ma musique. Ils l’aiment bien et j’en suis reconnaissant, cela veut dire que je le fais avec respect. C’est important pour moi d’avoir ce regard », explique-t-il à ce propos, quelques heures avant le concert.
Sur scène, cela se traduit par la présence de deux pandereiteiras (chanteuses traditionnelles de Galice) et d’un percussionniste. Ces trois-là usent de leurs voix, de tambours et tambourins, mais aussi de houes et d’une poêle (oui oui, et c’est même très beau) pour accompagner le DJ set. Et quand il le faut, Baiuca va jusqu’à arrêter les machines et quitter la scène pour laisser entièrement la place à la musique acoustique et aux danses. Magique et puissant.
Bronquio, l’electro sous influences
Bronquio est de ces producteurs caméléons dont le style change à chaque collaboration. Plus techno, parfois industriel quand il est seul, bidouillant avec le flamenco quand il signe un album avec la chanteuse Rocío Márquez ou plus sombre dans ses collaborations avec 41V1L. Au Mallorca Live, c’est seul derrière ses consoles qu’il se présente, puisant dans toutes ses influences pour un DJ set remarquablement fédérateur.
Dansante, hybride, latine : la performance résume d’elle-même toute cette partie de la programmation qui nous a tant plu dans l’édition 2022 du Mallorca Live Festival. On rentre de là toujours plus convaincu du génie musical ibérique et passionné par la richesse de ses traditions.