Inclassable selon les codes de l’administration, l’institution brestoise subit la pandémie sans bénéficier des aides publiques et risque de disparaitre d’ici quelques mois.
On continue notre tour des salles qu’on aime, en filant plein ouest, vers Brest pour évoquer, un mythe, une pépite, un must incontournable, une institution vénérée : Le Vauban !
(Incroyable hôtel, restaurant, bar, brasserie, dancing, after et salle de concert… Sous vos applaudissements, merci).
Implanté depuis 1948 au coin du boulevard Clemenceau à quelques centaines de mètres de la rade, le Vauban se décline en musique depuis 1962 avec un fameux dancing en sous sol dans lequel on venait de loin toucher du pompon.
De fil en aiguille la cale devient aussi salle de concert et vois défiler un vrai casting de rêve : De Léo Ferré à Laurent Garnier, tout le monde y est passé (sauf peut-être Motörhead), des Bérus à Cali, d’Archie Sheep à Brad Meldau, sans oublier les Dogs, les Inmates, Jefferson Starship ou Kas Produkt, Manu le Malin et Miossec.
Impossible de les citer tous, Le Vauban tournant normalement à une coquette moyenne d’environs 240 concerts par an… Et chaque soir, un public différent venait y faire battre ce que beaucoup considèrent comme le cœur de Brest.
On pourrait donc croire que cette institution vénérable est à l’abri des coups durs et pourtant, il n’en est rien…
Histoire de prendre la température au plus près de l’os, je passe un coup de fil dans la place et ô surprise, c’est Charles Muzy, le daron, qui décroche lui-même… Sauf que pour l’instant, le Charles est encalminé sévère, en plein pot au noir car le Vauban a un défaut : il est tellement unique qu’il ne rentre dans aucune case administrative et ne bénéficie donc depuis mars dernier d’aucune aide financière… Magie du mille-feuille bureaucratique français, l’institution qu’est le Vauban, survit uniquement sur son fond de trésorerie et si rien ne change, c’en sera fini du paquebot avant l’été…
Même le Maire de Brest, ému par la situation, a fait plancher quelques experts sur le dossier, en vain, pour l’instant. Et pendant ce temps-là la salle de concert est aussi vide que la brasserie. Seul l’hôtel est ouvert, ce qui explique la présence du daron à bord : Une des 52 chambres est aujourd’hui occupée et il faut donc assurer la permanence toute la journée pour un chiffre d’affaires de 65 euros.
Pour Charles néanmoins, même s’il a de quoi devenir dingue, il n’est pas question de se lamenter. « Moi ça va encore, ça fait 50 ans que je suis dans le métier et j’ai toujours fait gaffe à préserver un matelas en cas de coup dur. Mais les jeunes ? Ceux qui venaient de lancer une affaire ces dernières années ? Vous avez une idée de combien vont rester sur le carreau ? Moi, je tiendrais encore peut être jusqu’à ce été et ensuite, il faudra au moins trois ou quatre ans sans pépins pour retrouver une situation financière pas trop stressante et si ça ne le fait pas, et bien j’arrêterais. J’ai 63 ans et je commence à les sentir même si j’ai la passion, même si je vis pour faire tourner cet endroit, je ne crois pas que j’aurais la force de repartir à zéro« .
Et c’est tout Brest, du coup, qui croise les doigts pour qu’un bureaucrate finisse par chercher un peu à comprendre et débloque le dossier. Car la fermeture du Vauban ne serait pas préjudiciable uniquement pour Charles et ses 30 employés, ça serait également un très gros coup dur pour tout le milieu associatif et culturel brestois comme nous le résume Mathilde Vigouroux, chargée de communication pour la Carène voisine :
« C’est dur pour le Vauban et je ne veux même pas envisager Brest sans le Vauban ! C’est là qu’est mon cœur ! Quasiment toutes les assos programment au Vauban, ainsi qu’une bonne quinzaine de producteurs privés. La mienne c’est PANEM VINUM, mais il y a des assos comme UNDERCOVER et les mythiques soirées FUNKY TOUCH… et bien d’autres ! C’est tout un système culturel, associatif, social… qui est aujourd’hui en péril. Sans le Vauban, c’est la mort assurée de beaucoup d’assos… et nous nous retrouvons tous démunis face à la situation, mais solidaires !« .
À ce jour (14 janvier), on en est là. Charles ne veut pas que les assos organisent des opérations de financement participatif car il n’est pas question de demander la charité au public alors que le problème vient d’après lui, uniquement de l’administration. Les médias locaux ont relayé, le maire a fait passer le dossier au député et Brest touche du bois.
Visuel © Jérémy Kergourlay