« Il n’y a rien dans la pièce qui n’existe dans le monde aujourd’hui. »
La pièce est interdite aux moins de treize ans. L’adaptation à Broadway du roman dystopique de George Orwell déchaîne ses spectateurs. Il faut dire qu’aux États-Unis, la métaphore d’un parti unique tout-puissant imposant un régime totalitaire, dans le contexte actuel, a de quoi donner la nausée. Des vomissements (justement), des cris, des évanouissements, le public a des réactions violentes devant les représentations de cette pièce qui a débuté à Londres et se joue à Broadway depuis le 22 juin.
La violence de la pièce est autant physique que psychologique. Le récit de 1984 résonne d’une manière particulièrement brutale chez les spectateurs américains qui vivent depuis six mois sous la présidence de Donald Trump. Pour ne rien arranger, la mise en scène est pensée pour être la plus oppressante possible. Des lumières stroboscopiques, de longues périodes de noir complet, des sons de marteaux-piqueurs et des scènes de torture. Les acteurs déclarent même s’être cassés des côtes, le nez, fendus les lèvres pendant les répétitions. Autant dire que l’ambiance est un brin tendue. À tel point que lors d’une des premières performances, à Londres, une altercation a éclaté entre des spectateurs, provoquant une descente de police et des dépôts de plainte.
Les metteurs en scène, Robert Icke et Duncan Macmillan se défendent en arguant qu’ « il n’y a rien dans le livre, ni dans la pièce, qui ne soit à l’oeuvre quelque part dans le monde aujourd’hui. Des gens sont emprisonnés sans procès, torturés, exécutés. Nous pourrions édulcorer la pièce, conforter les gens, mais nous pouvons aussi la présenter sans commentaire et laisser la situation parler pour elle-même. »
« Le monde va bien plus mal qu’une simple pièce de théâtre »
Au-delà d’adapter le célèbre roman de George Orwell, les metteurs en scène veulent provoquer une prise de conscience politique. Robert Icke ajoute, dans une interview au Hollywood Reporter, que « lorsque quelqu’un est torturé, vous pouvez choisir de partir, ou rester et regarder. Les deux choix sont tout à fait compréhensibles. Mais si cette vision est ce que vous avez vu de plus terrible dans la journée, c’est que vous ne lisez pas la presse. Le monde va bien plus mal qu’une simple pièce de théâtre qui vous dérange un peu. »
Un journaliste du magazine Vulture raconte que lors de la représentation à laquelle il a assisté, quelqu’un s’est levé pendant la pièce pour crier « IMPEACH TRUMP ! » (« Destituez Trump ! »). Le processus est peut-être un peu excessif, mais il a l’avantage de donner de bonnes idées à certains.
Visuels : (c) Julieta Cervantes