Dans les cours d’école, il parait que les enfants ne jouent plus qu’à ça. Garçons et filles sans distinction !
Quant aux parties, elles peuvent durer plusieurs récrés d’affilée. Alors quand retentit la cloche qui marque la fin de la pause, tous protestent, tous espèrent pouvoir prolonger le game encore et encore. Tous veulent savoir qui est le patient zéro. Certains de leurs instits, ceux qui ont connu mai 68 évoquent des modes passés, celles de billes ou des osselets, celles des élastiques ou du tac à tac à tac à tac, et tous sont obligés de reconnaitre que le jeu du patient zéro est sans commune mesure plus addictif que tous les jeux de cours d’école auxquels ils ou elles ont pu assister par le passé. Ils ne pensaient pas connaître ça avant de prendre leur retraite. Les gamins sont comme dingues. Tout est prétexte à jouer. Au premier toussotement, au moindre saignement de nez, ils pistent les indices, les confrontent au réel, quand ils ne mettent pas en branle des batteries de tests imaginaires.
C’est simple, les énigmes qu’ils élaborent sous le regard médusé des adultes tiennent plus de l’équation à trois inconnues que de la simple party de Cluedo à élucider.
Adieu Colonel Moutarde, adieu Madame Pervenche vous ne tuerez personne avec la clé anglaise dans la cuisine, le Brexit est passé par là et nos minots ont mieux à faire
N’empêche qu’il faut trouver le coupable, celui qui a enclenché la machine infernale, celui qui est au départ du grand chambardement, il faut localiser cet être sous puissant, cet anti-héros, ce Jo la Scoum’, par qui tout est arrivé. Même les parents succombent, se transformant parfois en Sherlock Holmes sur leur temps de télétravail. Qui est le patient zéro reprend au 3ème millénaire l’intrigante énigme dela poule et de l’œuf.
Autant dire que le jeu risque de durer, de s’éterniser et probablement même de finir par lasser, mais pour l’instant tout le monde se sent investi. Bien sûr certains contestent, remettent en cause l’idée qu’il n’y aurait pas de patient zéro, mais plutôt une addition de nullité comme ils disent non sans humour. Ce qui est sûr, c’est que la vie dans les cours de récré a changé et qu’on ne sait quand elle reprendra son cours normal. Ce qui est sûr, c’est qu’à défaut de patient zéro et à force de procrastiner, je suis en passe de devenir l’impatient ultime, Un impatient qui fort heureusement sait encore composer avec l’infini, l’intangible et le nébuleux. Pourvu que ça dure.