« Adolescence » fait parler et couler de l’encre, des sphères médiatiques aux sphères politiques. Thriller sur un féminicide dont est accusé un jeune ado de 13 ans, la mini-série donne à voir la fragilité des ados modernes face aux masculinistes et incels d’Internet.
«La série télévisée que tous les parents devraient regarder», ce sont les mots du Times pour qualifier la mini série Adolescence. Créée par Stephen Graham, Jack Thorne, diffusée sur Netflix depuis le 13 mars, et bientôt à Westminster ainsi que dans les écoles britanniques.
Adolescence est un thriller basé sur un effroyable meurtre : celui de Katie, jeune ado, violemment poignardée. Jamie, accusé de cet affreux féminicide a 13 ans, c’est un camarade de classe de Katie. Pourquoi aurait-il tué Katie ? C’est la question qui guide les enquêteur·ices, qui obsède le père du jeune garçon, qui occuppe la psychologue… Une partie de la réponse se trouverait dans les contenus misogynes et masculinistes auquel Jamie aurait été exposé sur les réseaux, lui comme tous ses camarades du collège.
L’obscure théorie du 80/20
Jamie, comme ses potes du collège, parle des incels, des influenceurs d’internet qui détestent les femmes. Tous et toutes connaissent Andrew Tate, l’une des figures des incels, qui répand à l’envie sa théorie du 80/20 selon laquelle 80% des femmes ne sont attirées que par 20% des hommes seulement. Pour préparer sa série, Jack Thorne raconte qu’il a plongé dans ces sphères pendant six mois, il parle de “profondeurs obscures” dont il est sorti terrifié à l’idée que son fils de 8 ans puisse un jour entendre des discours pareils.
Adolescence souligne la fragilité des ados, et les nouvelles formes complexes que prennent les violences des rapports qu’ils ont les un·es avec les autres. Les réseaux sociaux regorgent de vidéos de masculinistes qui ont le plan en quelques étapes pour devenir un mâle alpha (le compte « Réfléchis frère » s’en est astucieusement amusé). Ils deviennent coachs en séduction, en musculation, en crypto monnaie et autres développements personnels. Des contenus qui peuvent être poussés par l’alogithme sous les yeux des jeunes adolescents, leur inculquant (consciemment ou non) une image patriarcale et violente des dynamiques de relations humaines.
Interdire les réseaux sociaux ?
La mini-série Adolescence fait réfléchir les britanniques, très concrètement même : elle a ravivé le débat sur l’utilisation des téléphones par les jeunes. Le créateur de la série, lui, milite pour interdire les réseaux sociaux aux moins de 16 ans, comme l’a fait l’Australie l’année dernière. Les associations britanniques qui militent pour restreindre l’accès des réseaux sociaux aux enfants et adolescents ont d’ailleurs depuis la diffusion de la série reçu une vague de soutien et de dons. La France a sauté un plus petit pas en interdisant les téléphones dans les écoles et collèges, depuis la rentrée de 2024.
Le rôle des parents : déconstruire les dynamiques sexistes
Au delà de l’interdiction, il y a (surtout?) l’éducation. Interrogée par plusieurs médias, la chercheuse Stéphanie Lamy, experte des mouvances masculinistes (autrice de « La Terreur masculiniste ») recommande de lutter contre l’entre-soi masculin et son pendant qui est l’effacement total de la perspective des femmes et des minorités. Ça veut dire, re-faire exister pleinement les femmes. Stéphanie Lamy explique qu’il est essentiel que les parents déconstruisent leurs propres dynamiques sexistes, car “c’est sur ce terreau que se construit le discours masculiniste.” Elle précise que la position des pères est primordiale : “ils doivent s’effacer et laisser les discours maternels prendre autant de place que les leurs”.
Enfin, elle conseille de laisser trainer des bouquins, des documentaires et d’inciter ses ados à signaler les contenus masculinistes qu’ils et elles pourraient croiser sur internet. C’est comme ça que dernièrement, un attentat incel a été déjoué à Annecy ! Le signalement Pharos a sans doute été fait par un jeune qui trainait sur son téléphone.
Adolescence bientôt diffusée dans les écoles
La mini-série touche la presse, les parents, les profs, jusqu’à la sphère politique : devant le Parlement britannique, la députée travailliste Anneliese Midgley a demandé au Premier ministre s’il soutenait l’appel des créateurs à projeter leur série au palais de Westminster et dans les écoles. Celui-ci a répondu positivement, expliquant qu’il a regardé la série avec ses adolescents, et qu’il souhaite sensibiliser les jeunes aux questions sociétales que suscitent Adolescence.