Plongée dans les Oreilles d’un des pionners du mouvement Hip Hop et charismatique leader de la mythique Zulu Nation
Il est une légende vivante. Il est le père de la Zulu Nation. Quand il va au Mac Do, il commande un Filet-O-Fish. « IL », c’est Afrika Bambaataa (Kevin Donovan pour l’état civil – lire ici son portrait) ; le new-yorkais fonde la Zulu Nation en 1973, une alternative pacifiste aux gangs violents et armés qui sévissent alors, tournant autour des valeurs originelles du hip hop : la revendication oui, mais dans le fun. Love, peace, unity & havin fun. Pour Radio Nova, Isadora Dartial – qui aurait pu être la fondatrice de la Coucou Nation – est allée explorer ses esgourdes.
Le premier souvenir musical du Bambaataa aka Le Leader Affectueux sont les voix soul de son enfance, entendues grâce aux excellentes galettes de sa mère. La Motown, The Marvelettes, Diana Ross, Temptations, les Supremes, Jackson 5, Marvin Gaye et bein sûr le grand maître de la musique, James Brown. Dans le lote, rajoutez du Sly & The Family Stone, Curtis Mayfield, Miriam Makeba, Aretha Franklin…
« Ma mère avait beaucoup de très bonne musique, qui venait souvent d’Afrique ». Car il y avait aussi du socca et du calypso à l’époque : « Je me rappelle de Mighty Sparrow, mais aussi à la Reine du Calypso, Lord Kitchener, Calypso Rose, Willie Colon et son Che Che Cole… Voilà toutes les musique que l’on pouvait entendre chez moi ».
Son premier disque à lui ? « Oh, c’est très dur à dire… ». Bam se replonge dans son enfance… « A l’époque j’avais des vieilles cassettes de rock’n’roll, Montego Bay, « In the Summertime » par Mungo Jerry, des vieux James Brown, Mayfield, George Clinton… J’allais les acheter dans le Bronx. Winchester Avenue ». S’il n’y avait que trois disques pour définir son enfance musicale, ce serait très clair : « Stand », par Sly & The Family Stone, « I’m Black & I’m Proud », par James Brown, et « Thank You For Let Me Be Myself Again, par re-Sly Stone. « Ma vie est basée là-dessus ».
« Ma première émotion en live, c’est d’avoir emmené le hip hop vers les gens. D’être sur scène et de mixer pour les gens des rues de New York ». A cette époque Bambaataa joue, aux côtés des inévitables James Brown, Sly ou George Clinton, « The Champ » des Mohawks, « Dance To The Drummer’s Beat » de Herman Kelly. Il peut également mixer du breakbeat ou le « Honky Tonk Woman » des Stones. « Je suis même le tout premier à avoir joué de l’afrobeat aux Etats Unis ! C’était Fela Kuti, « Shakara » ».
Ce morceau sort en 72 ; un an plus tard, Bam fondera la mythique Zulu Nation.
« Ma mère avait beaucoup de très bonne musique, qui venait souvent d’Afrique »
Il nous reparle de Sly & The Family Stone, des étoiles plein les yeux. « En fait, en musique, il y a eu un avant-Sly, et un après-Sly. Sly a plané au-dessus de la black musique, il a été le premier à avoir réuni dans un groupe blancs et noirs, le premier à intégrer des femmes. En faisant cela, il apaisait les tensions raciales. A Woodstock, il a violé la vedette à James Brown et autres autres, il était complètement dingue ! C’est le premier a avoir fait parler les instruments, à avoir utilisé le beat box… C’est un génie ! Comme Prince aujourd’hui ». Ce sont donc les chanteurs black militants et funky qui auront le plus marqué Kevin Donovan. Le funk, la foudre au service de la lutte. Un peu comme sa Zulu Nation.
L’énergie du hip hop, ce sont de voir des B-Girls et B-Boys devenir fous sur scène. Devenir fous sur Grandmaster Flash, Melle Mel ou Bambaataa. « C’était toujours les mêmes morceaux qui leur faisaient péter des câbles ! « Jam On The Groove » de Ralph MacDonald, « Try Me » ou « I Feel Love » de Donna Summer… Les hits de mes BlockParties, c’était le SugarHill Gang, Kraftwerk, Gary Newman, John Carpenter. J’essayais tout le temps d’apporter des choses nouvelles ».
Le morceau qu’il a le plus usé est un classique : « Sex Machine » de James Brown. « Quoi que tu fasses, ça te fait bouger. Tu ne peux rien y faire ». Bambaataa s’étonne qu’aujourd’hui la musique soit partout, même dans les magasins. Ca lui rappelle que les premières musiques qu’il ait entendues sont sans doute celle de cartoons, avec les grands compositeurs classiques. Il se souvient avoir été pétrifié à l’écoute de la BO de « Halloween » par John Carpenter. Il est d’ailleurs assez client des musiques de films d’horreur. De musiques de films, par extension, comme le « Singing In The Rain » de Gene Kelly.
Marqué par les grands chanteurs et militants de son époque, Bambaataa aura lui aussi joué un rôle prépondérant dans la musique, mais aussi dans l’évolution des mentalités. Sa Zulu Nation compte aujourd’hui des antenne dans les quatre coins du globe et continue d’aider à l’éducation des jeunes, à l’accès et au respect des droits civiques, à promouvoir la culture et le positif au détriment des règles de la rue. Il est de ces hommes qui ont accompli de grandes choses. Qui ont marqué leur époque. Enorme respect.
Bambaataa, qui aime et connaît très bien le rap français, nous quitte autour d’un NTM, « That’s My People ».