La chronique de Jean Rouzaud
Un éditeur suisse réédite Un jeune homme chic, les chroniques d’Alain Pacadis dans son propre journal, avant de devenir des chroniques dans Libération et ailleurs, livre épuisé, initialement sorti au Sagittaire en 1978, puis chez Denoël en 2002.
Paris, fin 70’s, le Punk
Ces petits textes sont des descriptifs de l’ambiance qui régnait à Paris dès 1975, l’excitation montante du mouvement Punk, et bien d’autres considérations sur le Rock urbain et électrique, retour de manivelle attendu, après les excès de Pop, de Folk et autres Rock progressif.
Seul Marc Zermati, futur parrain du Punk français, tenait bon avec son lieu l’Open Market et son label Skydog, défendant le MC5, Iggy et The Stooges, Lou Reed et le Velvet, les Flamin Groovies et les excellents pub rockeux anglais, sans oublier les New York Dolls.
Le retard accumulé par la France, en matière, notamment de musique, victime d’un show-biz français minable (un peu comme aujourd’hui), allait provoquer un ras-le-bol général et faire éclore un paquet de groupes, et quelques clubs au cœur de Paris : Gibus, Nashville, Opera Night, Bains Douches, Palace, largement ouvert aux Punks.
Suite à l’explosion Punk anglaise de 1976 (avec Pistols, Damned etc.), la France voit naître les Stinky Toys, Angel Face, Asphalt Jungle, Metal Urbain, Bijou, Loose Heart, Pain Head, Shakin Street, Gasolines…
Du jamais vu, surtout que cette mouvance entraîne une cohorte de bandes parisiennes, des Halles à République, aéropages de branchés, créatifs, curieux, excités, passionnés, qui vont littéralement changer le visage de la France.
Danser, boire, faire scandale
Alain Pacadis raconte tout ça : il est partout, chaque fête, concert, party, cocktail, expo est un prétexte à danser, boire et faire du scandale.
L’avant-garde Punk squatte toutes les promos pour des fêtes gratuites jusqu’au Festival de Cannes, égratignant les canapés et les starlettes.
Alain Pacadis, orphelin pauvre de Charonne, dandy déjeté, à l’apparence chétive et inoffensive, va devenir l’égérie du mouvement, un porte-parole inattendu, mais parfait : un clochard céleste, poète de la nuit, infatigable enfant chéri de toutes ces rencontres…
Il est entouré d’une garde de travestis : Dinah, Marie France, Orla, Maud… et de night clubbeuses aguerries comme Edwige, Djemilah, Paquita, Farida… Et une bande de punk rockers, bringueurs et artistes.
Difficile d’imaginer aujourd’hui l’électricité qui régnait vers 77-78, sonnant pour un temps la fin d’une France endormie et frustrée.
La liste est longue de tous ceux qui envahissaient Paris, tous élégants, stylés et cultivés, et qui allaient donner le ton des années à venir… Ils sont tous dans ce livre.
Alain n’a oublié personne, et trente ans plus tard, on ne l’oublie pas non plus !
Un Jeune homme chic d’Alain Pacadis. Éditions Héros-Limite. 270 pages, 20 euros.
À relire également : mon article sur Alain Paradis lui-même, et nos souvenirs communs à Libération : « Alain Pacadis, l’âme des années 70 », en date de 2013 (suite au livre d ‘Alexis Bernier et François Buot : Itinéraire d’un dandy Punk, initialement titré Alain Pacadis , l’esprit des seventies), successivement édité chez Grasset puis Le Mot et le Reste.
Visuel (c) Bertrand Rindoff Petroff / Contributeur