Renouez avec la lenteur, grâce un coffret réunissant 8 de ses films.
Comment définir cet homme ? Intellectuel, pragmatique, mondain, chanceux, provocateur, culotté, coriace, déroutant, conceptuel ?
Ingénieur agronome de formation, ce brestois va devenir, d’un coup, un véritable pionnier de la nouvelle littérature, du « Nouveau Roman ».
Il publie en 1953 Les Gommes, roman d’une enquête policière, où chaque personnage donne un prisme de l’histoire et où la description maniaque des détails ajoute au style « piégé » de cette anti-littérature.
Robbe-Grillet s’oppose au classicisme balzacien : il est contre l’histoire, la logique, le récit aux arguments calculés pour servir un scénario préétabli. Il affirme que la littérature ne raconte rien, sinon elle-même.
Alors il va raconter ce qu’il voit (ou imagine voir) en super détail. Il casse la chronologie, revient sur la même scène avec de légers changements. Bref, il conceptualise le roman, qu’on appellera « nouveau roman » dont il devient le pape, avec son éditeur prestigieux, les Editions de minuit, et son ami et complice Jérôme Lindon.
Paradoxe : il devient très connu, mais ses livres déroutent et les lecteurs sont peu nombreux. L’idée d’en faire des films émerge.
Car Alain Robbe-Grillet, sorte de Che Guevara grand et brun avec barbe et crinière, plait beaucoup… Il est beau, cultivé, paradoxal. Il est un homme nouveau et différent : psychologiquement, intellectuellement et même physiologiquement !
La mode intellectuelle a été existentialiste, puis situationniste. Il faut alors réinventer le réel, faire table rase des critères classiques et donc bourgeois. Alain Robbe-Grillet justement remet tout en cause, même le roman et le cinéma (domaines intouchables des sixties !), et cerise sur le gâteau il attaque carrément dans ses films l’érotisme, le voyeurisme, le sado-masochisme !
Voilà tout Robbe-Grillet : choquer, provoquer, mais avec tact, humour, culture et décontraction. Il rit quand on l’attaque, s’amuse quand on le traite de pervers et argumente sur son style décrié et qualifié de lent, répétitif et froid.
Avec sa femme, la sulfureuse Catherine*, ils sont très mondains, sortent, se montrent partout où il faut être vu : premières, cocktails, diners… Elle est sa plus grande supporter active.
La méthode va donc prendre : il est invité partout dans le monde. L’Amérique latine y voit une sorte de surréalisme, le bloc de l’est considère que la technique du nouveau roman se rapproche du réalisme socialiste ! S’ensuivent des conférences, débats, festival de Berlin…
Malgré ses ennemis et ses détracteurs, le charme décontracté de cet homme affable, qui rit des critiques, mais ne lâche rien de ses théories, Robbe-Grillet est devenu un nom.
Ses films, lents, contemplatifs, légèrement surréalistes, mais surtout peuplés de créatures désirables et dénudées font recette. On va voir le dernier Robbe-Grillet pour son aura d’intellectuel, mais aussi beaucoup pour les corps de Marie-France Pisier, Olga Georges-Picot, Anicée Alvina, Catherine Jourdan, et de tant d’autres jeunes femmes aux corps juvéniles qui se prêtent volontiers au jeu de situations sulfureuses…
Attachées, violentées, poursuivies, torturées, parfois tuées… mais sur un mode « soft », par ellipses, sans violence ni blessure, souvent symboliquement, finalement très bourgeois et propre !
Alain Robbes-Grillet fait donc partie du cinéma, fin 60 début 70, dit érotique, comme Emmanuelle ou Bilitis, La grande Bouffe ou Le dernier Tango, mais en « conceptuel », sans drame, ni cris.
Et c’est ainsi que les spectateurs sont devenus voyeurs, en suivant le joueur de flûte Alain Robbe-Grillet, qui en riait et disait : « pour une fois que le bon peuple est d’accord avec moi ! »
* Catherine Robbe Grillet, alias Jeanne de Berg, est partie intégrante de l’inspiration de son mari et se déclare maitresse SM, organisatrice de jeux et séances érotiques. C’est elle qui s’occupera des castings des filles et de tout ce qui les concerne sur les tournages. Elle a suivi une carrière parallèle d’écrivain et fut reçue à Nova pour ses mémoires sans complexe.
Coffret DVD avec 8 films :
_ l’immortelle.
_ Trans Europ-express (achetable en individuel)
_ L’Homme qui ment.
_ L’eden et après.
_ Glissements progressifs du plaisir (en individuel aussi)
_ Le jeu avec le feu .
_ La belle captive .
_ C’est Gradiva qui vous appelle .