Quand Paname dévore la Fashion Week.
En cette fin de fashion week, tout le gratin de la mode mondiale s’est pressé dans les rues de Paris pour assister aux défilés prêt-à-porter de la saison printemps-été 2018. Mais Paris est-elle toujours la capitale de la mode ? La semaine dernière, Camille Diao et Baptiste Muckensturm ont posé toutes leurs questions fashion à Alice Pfeiffer, la rédactrice en chef du magazine Antidote, dans la Matinale de Nova.
Une mode réaliste
Elle revenait sur le statut des quatre « big four », les quatre villes qui accueillent la Fashion Week à travers le monde. Le business à New York, la manufacture à Milan, l’underground à Londres… Jusqu’ici, Paris était une référence en matière de haute-couture et de chic « et toute la carte postale qu’on connaît », explique Alice Pfeiffer. Seulement voilà, Paname a su s’inspirer de sa cousine d’outre-Manche et se réinventer. « Ce qui détonne avec Paris, c’est l’Histoire. On a Coco Chanel et l’underground. (…) De nombreuses marques veulent faire autre chose que correspondre aux attentes d’un Paris tout mignon. »
« Je ne connais personne qui vit vraiment à Saint-Germain à l’âge de 25 ans avec des talons aiguille et une baguette sous le bras »
La mode underground parisienne serait avant tout une réponse à l’image fantasmée que renvoie la capitale. « Je ne connais personne qui vit vraiment à Saint-Germain à l’âge de vingt-cinq ans avec des talons aiguille et une baguette sous le bras », souligne Alice Pfeiffer. Les loyers exorbitants, le confort des baskets pour battre le pavé… Ces réalités ont donné naissance à des marques qui s’adressent aux Parisiennes, au lieu de privilégier le regard étranger sur la capitale. Paris se réapproprie ses codes, son ambiance, son énergie. Walk in Paris en est peut-être le meilleur exemple. Née en 2013 dans le XVIIIe arrondissement, la marque vient de sortir une vidéo hommage aux rues de Paname et leur fourmillement quotidien, le tout sur un texte du rappeur Sopico.
Hoodies, baskets et t-shirts, diversité de profils chez les mannequins, Walk in Paris dépeint le Paris qu’on connaît. On est loin des mannequins « trop maigres et trop blanches » selon les mots d’Alice Pfeiffer, qui défilent sur les catwalks, emberlificotées dans un vêtement compliqué et perchées sur vingt centimètres. Et la journaliste de citer aussi la marque Vetements, composée de créateurs anonymes qui veulent remettre le vêtement (du coup) au centre de l’action. En 2015, elle avait bousculé la Fashion Week avec un défilé jouant la carte de l’anticonformisme. « Ce collectif a relevé un défi de taille : séduire à la fois la presse internationale et l’underground parisien » écrivait Le Monde à l’époque.
Rendre la mode à la rue
Les rues parisiennes ont définitivement pris d’assaut le monstre institutionnel, artistique et économique qu’est la Fashion Week. En recyclant des fripes ou des pièces de surplus militaire, en mettant l’accent sur la diversité, en collaborant avec des artistes qui racontent la France d’aujourd’hui sur des collections abordables, en parlant d’un vêtement avant de parler d’un créateur, ces marques « démocratisent la mode », raconte Alice Pfeiffer. « La mode du jogging et des baskets, ça raconte beaucoup de choses », nous disait Alice Pfeiffer. « Ça raconte la gentrification d’une ville, un désir de mixité, un bobo qui change, beaucoup de cultures différentes, la musique que les gens écoutent… » On réécoute sa passionnante interview en intégralité ci-dessous.
Visuel © Walk in Paris (Capture d’écran)