Les bons documentaires naissent souvent d’accidents. Mohammed Siam cherchait à réaliser un documentaire sur un gamin accro au foot, mais lors de son casting il est tombé sur une adolescente qui a accroché son œil comme celui de sa caméra.
Amal est un personnage comme la réalité en offre quelques fois aux cinéastes : cette jeune fille a des airs de garçon manqué, mais surtout un caractère bien forgé. Autrement dit loin des stéréotypes sur la féminité orientale mais proche de ce que traquait Siam : la jeune génération égyptienne actuelle. Celle qui a grandi à l’ombre du printemps arabe, en l’occurrence du soulèvement populaire de la place Tahrir en 2011.
Comment mieux filmer une époque de mutations, d’incertitudes, de changements qu’à travers une personne qui passe naturellement, physiquement par des phases similaires. C’est le pari de Siam, qui va faire régulièrement le point avec Amal pendant six ans.
Plus le documentaire avance, plus l’adolescente devient femme, mais surtout une égyptienne en rogne contre un pays qui n’avance pas aussi vite que prévu, voire qui recule au gré d’une évolution politique reportant l’avènement de la démocratie. Siam filme les turbulences de l’utopie qui anime Amal, devant sans cesse ravaler ses espoirs, ses rêves parqués entre deux murs qui s’élèvent : les Frères Musulmans et la dictature militaire.
Mais Amal tient bon, est sur tous les fronts, puisque sa vie en est un : à 14 ans, elle est dans les manifs sur la place Tahrir, l’année d’après, son premier amour meurt dans les émeutes de Port Saïd. Et avant ça, elle a déjà du coltiner le deuil de son père, policier… Amal n’a pas 20 ans quand Siam arrête de la filmer, mais elle a encaissé l’équivalent de plusieurs vies.
Amal se fait captation à la fois de cette force de la nature malgré elle comme de ses désillusions, mais avant tout portrait d’une identité se construisant en se heurtant aux règles poussiéreuses d’un ancien monde. Celui où il est plus dur d’être une femme qu’un homme, où grandir est une véritable lutte.
Evidemment, Amal, fait le portrait d’une égyptienne mais il le dépasse, se fait celui d’une génération plus globale.
Dans une séquence, la mesure que bat Amal sur les murs d’une station de métro se confond avec le son sur les rails d’une rame qui approche. Ce formidable documentaire rappelle alors qu’il y a quelque chose qui gronde de plus en plus fort : la fougue d’une jeunesse impatiente de trouver sa place.
A.M
En salles mercredi 20 février
Notre chroniqueur cinéma Alex Masson a rencontré le réalisateur Mohamed Siam pour vous. Ecoutez les juste en dessous :
Nova offre des places avec le jeu juste en dessous. Jouez avec le mot ed passe qui se trouve ici.