À Paris, cette traductrice et cette éditrice rendent hommage au ténébreux dramaturge, metteur en scène et poète suédois Lars Norén (1944-2021), interné à 18 ans, dont les terribles spectacles nous demandaient : « Qu’est-ce qui fait que l’homme survit, même dans les conditions les plus atroces ? »
« Prison, HP, terrorisme, huis clos familial insoutenable, violence conjugale. » Comme l’a écrit Libé à l’heure de sa mort survenue fin janvier à 76 ans des suites du covid, le dramaturge suédois Lars Norén, qui succéda à Bergman à la tête du Théâtre National de Suède, était l’un des auteurs les plus joués en Europe, notamment en France, via des spectacles aux titres souvent cliniques : Pur, Démons, Froid, Sang, Guerre, La force de tuer… jusqu’à Poussière, en 2018, présenté à la Comédie-Française. Dans sa jeunesse, un événement infernal lui laissa un trauma : à 18 ans, après la mort de sa mère, il est interné en hôpital psychiatrique et soigné à coups d’électrochocs. Sorti de là par une amie, Lars écrira d’abord de la poésie et des romans, ainsi que quatre-vingt pièces ou un journal intime de plus de mille pages, dans lequel on peut lire : « J’ai une profonde tendance à prolonger les difficultés et la tristesse, jusqu’à ce qu’elles meurent d’elles-mêmes, sans doute. »
« Pour un futur psychiquement désirable », Amélie Wendling, qui fut sa collaboratrice artistique sur Poussière ou assistante à la mise en scène de ses spectacles dès 2003, occupée en ce moment à traduire Sang ainsi qu’un recueil de pensées-poèmes intitulé Fragments, tout en enseignant l’œuvre de Norén à la Sorbonne Nouvelle comme au conservatoire régional de Poitiers, rend hommage au ténébreux maître suédois sur le pont de L’Arche de Nova en compagnie de Claire Stavaux, directrice des éditions de… L’Arche, son agent théâtral, qui publie l’essentiel de ces textes lucides et violents où « la fragilité psychique n’est jamais éludée », nous demandant toujours : « Qu’est-ce qui fait que l’homme survit, même dans les conditions les plus atroces ? »
Réalisation : Mathieu Boudon.
Image : Fight Club, de David Fincher (1999).