Chronique de l’aventure du MLAC, Annie colère met une belle claque par sa pratique d’une politique féministe par la douceur.
Le 24 novembre pourrait bien rester une date importante : celle qui marquerait le début de processus d’inscription dans la constitution française le droit à l’IVG. Il n’y avait pas mieux pour accompagner la sortie d’Annie Colère, film qui revient justement sur une page d’histoire du combat pour l’avortement. Plus précisément sur la courte aventure du MLAC, le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et la contraception. De 1973 à 1975, les membres de cette association se sont battues pour la légalisation de l’IVG tout en permettant à des femmes à pouvoir la pratiquer, certes illégalement, mais avec une méthode beaucoup moins risquée qu’en passant par les faiseuses d’anges, l’aiguille à tricoter ou le cintre. Annie Colère ne se contente pourtant pas de retracer ce parcours clandestin, le nouveau film de Blandine Lenoir tricote tout autant une chronique de la solidarité féminine dans cette France d’avant la loi Veil.
Contrairement à L’évènement, autre film autour de l’avortement, sorti l’an dernier, Annie colère prend le parti pris de ne pas en faire un sujet de fait divers, mais d’amplifier la portée sociale, pour en faire quasiment un acte de naissance, celui d’une découverte de liberté pour les femmes via un récit galvanisant d’apprentissage. A la pédagogie de scènes d’opérations pratiquées à la maison, filmées sans suspense mortifère s’ajoute une autre, à l’opposé du traitement usuel de ce sujet au cinéma : ici pas de leçon de morale ni de dolorisme didactique, mais un cas rare de regard inclusif. Plus Annie colère avance, plus il renforce un sens citoyen du collectif qui fait corps autour d’un personnage central, mais de moins en moins principal, de française moyenne, ingénue découvrant au-dela du MLAC, des possibilités émancipatrices. Ce film devenant une jolie claque quand il transforme le militantisme en voie douce mais déterminée de l’engagement, pratique la politique de l’écoute et de la bienveillance. Ravivant le souvenir d’un cinéma français féministe d’époque – que ce soit en faisant écho au L’une chante, l’autre pas de Varda ou en faisant référence à Delphine Seyrig, actrice engagée dans le combat pour le droits des femmes- Annie Colère n’en oublie pas pour autant de regarder le présent, voire le futur en mettant en avant, dans une période de claire menace régressive, la volonté de transmission, en rappelant l’histoire étonnamment oubliée du MLAC comme son appel à une nécéssaire désobéissance civile ou en appelant les générations à venir à rester vigilantes. A ce stade on ne sait pas ce qu’il adviendra de la proposition de loi adoptée par les députées, qui doit maintenant passer par le Sénat pour être promulguée. En attendant, si rien n’est donc encore gagné, qu’Annie Colère puisse aborder frontalement ce sujet tout en étant un film éminemment solaire voire potentiellement ultra-populaire est déjà une victoire en soi.
En salle le 30 novembre