Spécialiste de Philip K. Dick, auteur d’un essai en forme de réservoir à fictions vitales pour bricoler l’après, ce journaliste parisien se penche sur les créatures indétectables d’Alain Damasio.
« Ce livre est peut-être la chose la plus importante qui soit arrivée à la science-fiction hexagonale depuis les fulgurances inoubliables de Serge Lehman. » Alain Damasio ne tarit par d’éloges, à mi-parcours dudit ouvrage, à propos du dernier essai d’Ariel Kyrou, Dans les imaginaires du futur, qui vient de paraître aux éditions Actu SF. Fidèle à sa fièvre de contestation des impasses politiques et des formatages de toute obédience, l’auteur de La Horde du Contrevent détaille, le temps d’une « volte-face », la noble intention de ce pavé rose et blanc de 600 pages : comprendre, à travers l’examen érudit de romans, films, séries ou bandes dessinées d’anticipation, lesquels ne se contentent pas de nous divertir ou de reconduire en pire les schémas existants, mais offrent « armes de jet et lignes de fuite pour se construire un avenir » ou « décheniller les tanks de ce néolibéralisme inepte » ; ceux qui produisent « un imaginaire du dérangeant, du dégenré, intranquille et secouant, perclus de trous de ver, de percées vers le possible, caffi d’espoirs aussi. » Bref : des futurs désirables, comme ceux qui bourgeonnent au quotidien sur la proue de ce podcast.
C’est pourquoi, devant cette généreuse caisse à outils fictionnels pour-bricoler-l’après, la tentation de tendre le micro à Ariel Kyrou fut à peu près irrésistible. Rédac’ chef adjoint du magazine Actuel de 1989 à 1993, cet essayiste parisien, spécialiste de Philip K. Dick et directeur éditorial du Laboratoire des solidarités (solidarum.org), nous fait alors parvenir aujourd’hui le premier module d’une série de cinq chroniques consacrées aux « utopies lucides, terrestres et anarchistes ».
Et l’ascenseur est renvoyé à Damasio, en se penchant sur les créatures indétectables, aux allures de chauve-souris, de son grandiose roman Les Furtifs (2017) vendu à plus de 65 000 exemplaires. « Dans cette dystopie technologique où les individus subissent la dictature cool de l’hyper capitalisme (…), le furtif, cet animal irréel d’une vivacité inconcevable, qui meurt et se fige en une sculpture dès qu’il est vu, y incarne l’utopie d’un monde échappant aux forces du contrôle et de la surveillance généralisée. Le futur imaginé par Alain Damasio ne s’effondre pas. Il se délite. Son utopie libertaire et écologiste, partielle et imparfaite, se construit au travers des arts de vivre d’une pluralité de communautés. Elles sont parfois révoltées, tels des zadistes de demain, d’autres sont juste loin de l’économie dominante à la façon de ce groupe de Balinais sur une île du Rhône – dont, écrit-il, les liens humains semblaient se prolonger hors du social, en rhizome à nos pieds ou à la façon des branches qui auraient poussé au bout de nos doigts. » Nous voici rebranchés à demain.
Les prochaines utopies d’Ariel Kyrou seront diffusées les 3, 10 et 17 décembre, ainsi que le 7 janvier, à 7h10.
Pour écouter Alain Damasio en interview sur ses Furtifs, en deux parties, c’est ici :
Image : Blade Runner 2049, de Denis Villeneuve (2017).