Auteur d’un essai en forme de réservoir à fictions vitales pour bricoler l’après, ce journaliste parisien grimpe à bord des vaisseaux intersidéraux de la romancière Becky Chambers, peuplés d’utopies multiraciales.
« Ce livre est peut-être la chose la plus importante qui soit arrivée à la science-fiction hexagonale depuis les fulgurances inoubliables de Serge Lehman. » Alain Damasio ne tarit par d’éloges, à mi-parcours dudit ouvrage, à propos du dernier essai d’Ariel Kyrou, Dans les imaginaires du futur, qui vient de paraître aux éditions Actu SF. Fidèle à sa fièvre de contestation des impasses politiques et des formatages de toute obédience, l’auteur de La Horde du Contrevent détaille, le temps d’une « volte-face », la noble intention de ce pavé rose et blanc de 600 pages : comprendre, à travers l’examen érudit de romans, films, séries ou bandes dessinées d’anticipation, lesquels ne se contentent pas de nous divertir ou de reconduire en pire les schémas existants, mais offrent « armes de jet et lignes de fuite pour se construire un avenir» ou « décheniller les tanks de ce néolibéralisme inepte» ; ceux qui produisent « un imaginaire du dérangeant, du dégenré, intranquille et secouant, perclus de trous de ver, de percées vers le possible, caffi d’espoirs aussi. » Bref : des futurs désirables, comme ceux qui bourgeonnent au quotidien sur la proue de ce podcast.
C’est pourquoi, devant cette généreuse caisse à outils fictionnels pour-bricoler-l’après, la tentation de tendre le micro à Ariel Kyrou fut à peu près irrésistible. Rédac’ chef adjoint du magazine Actuel de 1989 à 1993, cet essayiste parisien, spécialiste de Philip K. Dick et directeur éditorial du Laboratoire des solidarités (solidarum.org), nous fait alors parvenir aujourd’hui le quatrième module d’une série de cinq chroniques consacrées aux « utopies lucides, terrestres et anarchistes ».
Et si ces utopies terrestres s’inspiraient, cette fois, d’un ailleurs absolu ? Dans son livre, Kyrou rappelle que « Star Wars et Star Trek », par leur « myriade cocasse d’extraterrestres », proposent « un joli zeste d’utopie cosmopolite et multiraciale, une graine qui ne demanderait qu’un peu de jardinage pour s’épanouir sous mille formes plus ou moins transgressives ». tout comme la société coopérative de la « trilogie de Mars » de l’écrivain californien Kim Stanley Robinson (1992-1996). « Cette quête nous ouvre sur d’autres vies, d’autres possibilités, explique Ariel sur Nova. L’extraterrestre, c’est la figure de l’altérité radicale. De l’étranger. Du migrant. Dans les romans de l’Américaine Becky Chambers, débutés en 2016 avec L’Espace d’un an, la vie commune au sein du vaisseau Voyageur, qui creuse des tunnels dans l’espace, fabrique l’utopie lucide d’un art de vivre entre espèces intelligentes à l’opposé les unes des autres (…) Comme l’amibe télépathe de Ganymèden dans Les Clans de la lune alphane de Philip K. Dick (1964), incarnation de l’empathie qui sauve un humain qui voulait se suicider ».
« Si loin des mirages de l’économie dominante », ces hypothèses spatiales nous aideront peut-être à rendre notre planète « plus accueillante vis-à-vis de l’autre, à l’écoute de solutions alternatives ».
Pour écouter la précédente utopie d’Ariel, c’est ici : https://www.nova.fr/news/ariel-kyrou-35-demain-la-nature-prendra-la-parole-71426-10-12-2020/
Le dernier épisode sera diffusé le 7 janvier, à 7h10.
Habillage : Juste Bruyat.
Image : Paul, de Greg Mottola (2011).