À Bordeaux, cet historien de l’art, auteur d’un « Évangile selon Nick Cave », craint pour les oiseaux menacés par l’installation d’antennes « 7G » qui pourraient aussi… ressusciter « des voix anciennes ».
« À bord du grand carnaval électrique, Nick Cave est le preacher, celui qui invoque la diégèse biblique et débite des merveilles à faire peur. Tout dans son allure va dans ce sens : costumes satinés et cheveux noirs, défroque qui transpire par tous les pores, chevalières et chaînes dorées. Soumis à la possession de légions d’esprits supérieurs, le doigt accusateur et le corps écartelé par tous les anges qui voisinent dans le coin de la voix, les genoux au sol et les mains au ciel, il lutte au centre du ring des divinités psychopathes. »
Amen. Ainsi démarre, quasiment, le sermon d’Arthur-Louis Cingualte consacré à l’archevêque des Mauvaises Graines : son premier livre, L’Évangile selon Nick Cave, présenté comme un « gospel de l’Âge du Fer Rouillé » et publié cet automne aux éditions de L’Éclisse. Un essai rock précis, habité, gorgé de références littéraires et liturgiques, à réserver pour Noël aux fans transis du crooner mystique australien.
Mais l’interprète et compositeur de l’endeuillé Ghosteen (2019, que Nick écrivit en mémoire de son fils Arthur mort à 15 ans en tombant d’une falaise anglaise), n’est plus le seul à « débiter des merveilles à faire peur » . À Bordeaux, Arthur-Louis Cingualte, 36 ans, historien de l’art, collaborateur régulier de la revue cinéphile La Septième Obsession et auteur d’une thèse sur « l’esthétique du voyeurisme », regarde en l’air et prédit qu’un futur « quadrillage 7G » aura raison « du chant des oiseaux ». Alors, telle une planche ouija d’envergure mondiale, « ce sera le moment pour que d’autre voix, de vieilles voix » reviennent nous visiter. L’assaut des spectres, baby !
Et le premier de ces fantômes électromagnétiques sera celui d’Armand Robin, « fils de paysans bretons né en 1912, poète et folkloriste anarchiste que la police a tabassé à mort en 1961, qui écoutait toutes les radios et parlait toutes les langues. L’homme des ondes par excellence ». Soumis à son tour « à la possession de légions d’esprits supérieurs », Cingualte ressuscite un enregistrement médiumnique : le pessimiste Programme en quelques siècles, signé Robin en 1946 au sein d’une plaquette de poèmes indésirables, lu par… Jean-Luc Godard, qu’Arthur-Louis accompagne au piano. Conclusion riche en interprétations apocalyptiques : « Au nom de rien on supprimera l’homme ; On supprimera le nom de l’homme ; Il n’y aura plus de nom ; Nous y sommes. »
Habillage : Juste Bruyat.
Image : Fantômes contre fantômes, de Robert Zemeckis (1996).