Rendez-vous annuel organisé par le Collectif des Rosas, les 4ème Assises de la Lutte contre la Négrophobie (A.L.C.N.) ont lieu les 10 & 11 mars. Comme l’an passé, elles se dérouleront au Palais des Arts du Parc Chanot (le samedi 10), qui abrita à deux reprises (en 1906 et 1922) l’Exposition coloniale, et au Cinéma le Gyptis (le dimanche 11). « Prendre pied une deuxième année au Parc Chanot, c’est notre façon de réinvestir la mémoire coloniale, d’opérer un retour sur l’histoire avec nos yeux, notre lecture » proclame Joana Fidalgo qui organise au sein du Collectif des Rosas ces assises. « Certains aimerait bien qu’on remplace le mot negrophobie. Je suis bien consciente que notre appellation dérange, mais les mots ne sont pas là par hasard. Il s’agit de notre parole. Car qu’on parle ouvertement comme à l’époque des expos coloniales ou de manière plus policée aujourd’hui, du bon ou du mauvais sauvage, on reste toujours des sauvages pour ces personnes. Qui sait à Marseille que le père d’Alexandre Dumas, l’auteur du Conte de Monte-Cristo, était mulâtre et natif de Saint-Domingue (Haïti) et que sa Grand-Mère était une esclave ? » questionne-t-elle;
Femmes Noires et Résistance
Les Rosas ont choisi pour thème cette année : Femmes Noires et Résistance, un thème que ce collectif pluriel incarne tant par son nom – en hommage à Rosa Louise McCauley Parks, la mère du mouvement des droits civique aux Etats-Unis qui le 1er dec 1955, refusa de se soumettre à la loi qui l’obligeait à céder sa place à un passager blanc dans le bus – que par ses choix. En effet, suite aux résultats des dernières élections régionales qui ont vu l’arrivée de 42 élu(e)s FN dans l’hémicycle du Conseil Régional, le collectif a décidé de couper les ponts en se passant du Grand Amphi que l’institution régionale mettait à sa disposition et en ne remplissant plus de dossiers de demande de subventions auprès de ses services. « Installées depuis l’an passé au Parc Chanot, les Assises de la lutte contre la Négrophobie consacrent désormais la moitié de leurs financements dans la prise en charge cette location » précise Joana Fidalgo.
Un lieu de rencontres, d’échanges et d’information
En accès libre, samedi 10 mars de 10h30 à 18h30 au Palais des Arts du Parc Chanot, ces assises proposent au rez-de-chaussée du bâtiment un espace créateurs (Djivani Créations, Wara Chaussures, Côtéwax…) un espace nappy (salle Protis) consacré aux cheveux crépus et à son entretien à l’aide de produits naturels et un atelier foulard afin d’apprendre à agencer son foulard. Salle Euthymène, les arts sont à l’honneur. « Souvent, on enferme l’artiste noir dans le schéma réducteur du musicien ou du danseur » confie Joana Fidalgo « Marseille n’évite pas ce cliché. C’est pourquoi nous avons choisi de mettre à l’honneur des artistes dans les domaines des arts plastiques ou de la littérature en invitant cinq plasticien(ne)s et dix écrivain(ne)s. ». L’association antillaise Mamanthé qui a fêté ses 10 ans en décembre dernier proposera un atelier pour enfants de lecture de contes.
Trois expositions
Dans la Salle des Expositions, un hommage à la résistance des femmes africaines sera rendu à travers le portrait de 10 femmes afro-féministes. « Souvent méconnues du grand public, ces femmes ont combattu l’esclavage ou ont contourné les assignations qui leur étaient faites » explique Joana Fidalgo, plus militante que jamais avant de citer quelques noms « je pense à l’Américaine Bessie Coleman, qui obtiendra en Picardie son diplôme de pilote d’avion en 1921 ou Mae Jemison, la première femme noire astronaute à participer à la mission spatiale de la Nasa en 1992, mais aussi à l’écrivaine Suzanne Césaire qui fut l’égérie des peintres de l’entre-deux guerres et la femme d’Aimé Césaire, aux sœurs Nardal (Jane et Paulette) originaires de la Martinique. Souvent oubliées, ces dernières ont contribué à poser les bases théoriques et philosophiques de la Négritude, au même titre qu’Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor ou Léon Damas. Elles ont toutes en commun d’être aller au bout de leur passion et d’être arriver au sommet.» Un autre accrochage s’intéressera au fil d’une dizaine de portraits de Marseillaises d’origine capverdienne, « à ces femmes qui émigrent seules », tandis qu’une dernière expo s’attardera sur le bléénj, « ce pagne tissé qui se transmet de générations en générations chez les Manjaks » précise-t-elle.
We Want Freedom
En tout début d’après –midi, place à la musique avec « We Want Freedom », une scène ouverte animée par les élèves et des professeurs de la Cité de la Musique de Marseille, issus des classes de piano, flûte, clarinette, formation musicale, jazz, et gospel rendra hommage à la chanteuse et pianiste Nina Simone qui fut de tous les combats des afro-américains contre la ségrégation. Par ailleurs, un titre enregistré dans le studio des B.Vice à la Savine avec la complicité de Soli reprend le thème de la negrophobie. « Il y a eu un véritable engouement et une belle mobilisation autour de a création de ce titre afin de partager notre combat avec le plus grand nombre » commente Victor DA qui a suivi ce projet musical pour le collectif. Un clip est en préparation.
De la révolte contre l’ordre colonial à la place des femmes dans la société aujourd’hui
A partir de 16h30, Salle Pythéas, trois tables rondes précédées d’une présentation par Mr Tabué Nguma des travaux de l’Unesco sur l’Histoire des femmes africaines aborderont pour la première Les résistances féminines au XXème siècle. Chantal Ndami et Rose Ndengue, chercheures au CESSMA (Université Paris 7 Diderot) s’attarderont sur les dynamiques collectives telles que les mouvements de révolte des femmes contre l’ordre colonial qui ont eu lieu au Nigeria au Togo au Cameroun entre 1920 et 1940 et les mobilisations féminines dans les luttes d’indépendance politique entre 1945 et 1960. La seconde nous plongera au cœur des dernières années du XXème siècle pour s’intéresser à la place des femmes africaines dans ces années-là, sous le regard de Fatou Sarr Sow, Maître de conférence à l’IFAN-Université Cheikh Anta Diop de Dakar. La directrice du Laboratoire Genre et Recherche scientifique, décortiquera le processus de marginalisation de ces femmes et la lente réappropriation de l’espace public opérée ces dernières années. La dernière confiée à Sarah Kouaka, rédactrice-en-chef de radio Nofi, traitera : de l’invisibilisation des femmes noires à l’émergence des mouvements afro-féministes en Europe au début du XXIe siècle. Cette première journée sera clos par un défilé Nappy.
Dimanche au Cinéma Le Gyptis
En prolongement de cette journée au Palais des Arts, deux projections (à 16h et 18h) du film documentaire les Mariannes noires de Mame-Fatou Niang et Kaytie Nielsen seront suivi d’un débat Afroféminisme / féminisme: Duo ou Due en présence de Mme Fatou Sarr Sow.
Palais des Arts au Parc Chanot – 13008 Marseille (M° Rond-Point des Prado) – Accès libre
Cinéma Le Gyptis – 136, rue Loubon – 13003 Marseille. (de 2,5 € à 6 €)