“Mais, ferme ta gueule !”. Voilà la phrase cinglante qu’Adèle Haenel a lancée au procès de Christophe Ruggia avant de quitter la salle d’audience, mardi. Une phrase en forme de slogan féministe, tel que Virginie Despentes l’écrivait : « Désormais, on se lève et on se casse”. Hasard du calendrier, les Assises du Collectif 50/50 ont eu lieu cette semaine. C’est le cinéma observé à la loupe, pour, notamment, mieux protéger les mineur‧es.
Ce mardi, 10 décembre, Gisèle Pélicot s’est barrée de la salle d’audience, au procès de Dominique Pélicot, exaspérée par les propos d’une avocate de la défense interrogeant un “jeu sexuel à trois”. Le même jour, Adèle Haenel, celle qui avait osé se lever et se casser lors de la cérémonie des Césars 2020, a de nouveau brillé devant Christophe Ruggia, jugé pour l’avoir agressée sexuellement entre ses 12 et 14 ans. C’est lorsque le réalisateur français soutenait à la barre avoir tenté de la protéger à ses débuts dans le cinéma, que l’actrice française s’est tout à coup levée, a tapé du plat de ses mains la table qui était devant elle, avant de lâcher : “Mais ferme ta gueule !” Une fois de plus, Adèle Haenel s’est levée, et s’est cassée.
Les Assises du Collectif 50/50 : un rendez-vous incontournable
L’affaire Ruggia retentit à point nommé, puisque cette semaine s’est tenu la sixième édition des Assises du Collectif 50/50. Un nom en référence à la parité, et donc aux inégalités dans le milieu du ciné et de l’audiovisuel. Avec ces Assises, il s’agissait d’applaudir les avancées du secteur, et de souligner les choses qu’il reste à faire. Un petit bilan annuel terriblement important.
Protéger les mineur‧es des violences : une lutte essentielle
Durant ces Assises, le Collectif 50/50 a donc applaudi les formations obligatoires contre les violences sexistes et sexuelles, ainsi que les chartes comme celles des coachs spécialisés pour l’accompagenment des mineur‧es, réunis dans l’ACMA, présents sur les tournages. C’est particulièrement important, puisque le cinéma fait partie des rares milieux ou des enfants de moins de 16 ans peuvent travailler légalement ! Le suivi commence à s’améliorer sur les plateaux de tournage, mais il est encore question des suites, notamment d’un éventuel accompagnement psy post-tournage. À noter que c’est là, dans cet « après », loin des studios, qu’Adèle Haenel affirme avoir été abusée par Christophe Ruggia…
Dénoncer le sexisme et racisme latent du cinéma
Les Assises de 50/50 ont aussi rappelé que les femmes étaient toujours entravées dans la réalisation. En 2023, seuls 32,4% des documentaires étaient réalisés par des femmes, par exemple. C’est 13 % pour les directrices de la photographie, et 10 % pour les ingénieures du son et compositrices.
Et c’est pire si vous n’êtes pas blanche. L’étude “la couleur des rôles” parle de biais dans les castings, voire dans les scénarios… Ainsi, seulement 2% des personnages dans les films français sont perçus comme asiatiques, le plus souvent dans des rôles stéréotypés. Les rôles pour lesquels on demande aux acteurs de performer des accents clichés sont encore très nombreux.
Dire les termes
« Beaucoup de professionnel‧les ayant répondu à l’enquête font état d’un malaise et d’un réel besoin de formation. Étendue aux scénaristes, cette formation permettrait par ailleurs de diversifier tous les rôles trop souvent pensés, par défaut, pour des personnes blanches » explique le collectif. Puis de préciser qu’il serait par ailleurs temps de « dire les termes » : comprenez, de ne plus se cacher derrière la notion de « diversité« , qui, selon le collectif, « sert le plus souvent d’euphémisme pour ne pas se confronter concrètement au facteur (ethno)-racial qui reste tabou. Bien que le mot soit depuis omniprésent, il reste flou, parfois creux et de plus en plus inconfortable à utiliser », il devrait pourtant englober ce facteur essentiel, en plus de l’âge, le genre, l’orientation sexuelle, le handicap, le milieu socio-économique. 50/50 propose par exemple, comme il existe désormais un bonus parité, que soit créé un bonus diversité.
Que faire de Roman Polanski ?
Les Assises ont aussi évoqué la question des films « abîmés » par des affaires de violences sexistes et sexuelles : que faire des J’accuse de Roman Polanski (2019), ou bien des Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi (2022) ? Dossier de presse Assises 2024. Le collectif propose des affichages de contextualisation placés dans les salles, en billetterie, sur internet, pour informer « sans culpabilisation, des spectateurs et spectatrices ».
Avec le cinéma, déconstruire les préjugés et tendre vers l’égalité
Enfin, il a été souligné aux Assises que le cinéma, souvent critiqué pour son élan progressiste, était un merveilleux outil pour déconstruire les préjugés et favoriser un imaginaire collectif fondé sur l’égalité… Si par ailleurs ça vous aurait donné envie de vous rendre en salles, Le Pop Corn d’Alex Masson, avec les meilleures sorties ciné chaque mercredi, est toujours en podcast et sur à lire ici aussi...