On a passé un coup de fil à Nairobi.
Au Kenya, des habitants manifestent contre les éléphants. Ça valait bien un coup de fil à Marion Douet, correspondante du journal Le Monde à Nairobi, au Kenya. Les problèmes de conflit avec les éléphants surviennent souvent dans cette période, décembre-janvier-février lorsque les pachydermes migrent d’un parc à l’autre…
Que se passe-t-il exactement ? Les éléphants n’ont pas surgi cette année dans cette région du monde…
Marion Douet : Non, pas du tout, ils étaient même là bien avant les Kenyans. Ça n’est pas la première fois qu’il y a des conflits entre les éléphants et les habitants. Les éléphants se déplacent tout le temps pour aller chercher de l’eau ou de la nourriture, donc ils suivent beaucoup les pluies, et cette année les pluies n’ont pas été extrêmement régulières sur tout le territoire. Ils se sont donc particulièrement dirigés dans cette région du Sud-Est, située entre plusieurs parcs naturels kenyans et tanzaniens.
Un éléphant a foncé vers le commissariat de police
Le 10 décembre un éléphant a même semé la panique en centre-ville ?
Marion Douet : Oui il y a un éléphant qui est sorti du parc du Tsavo qui est vraiment à 200 mètres de la ville. Il est rentré et a été chassé par ce qu’on appelle ici les Boda-Boda, des motos-taxis, souvent utilisés pour chasser les éléphants dans les campagnes pour les éloigner des maisons et des villages. Il y a une course-poursuite qui a commencé, ça a fini au stade municipal. Il a ensuite foncé vers le commissariat de police, tout le monde s’est barricadé, ça a été un peu la panique et finalement les motos ont réussi à l’éloigner.
Il s’agit d’un conflit global avec toute la faune sauvage
Les problèmes de conflits avec les éléphants surviennent souvent à cette période, décembre-janvier-février, au moment où les pachydermes migrent d’un parc à l’autre. Dans un article du journal Le Monde vous évoquez la région de Voi, là où a lieu la manifestation. Est-ce que ces conflits de voisinage hommes-éléphants se trouvent ailleurs dans le pays ?
Marion Douet : Oui partout. Il y en a sur tout le territoire du Kenya, mais aussi en Tanzanie. Après, il faut aussi se rendre compte que même si l’éléphant pose un problème particulier au vu de sa taille très dangereuse (il peut détruire un champ entier en quelques heures), qu’il s’agit d’un conflit global avec toute la faune sauvage. Hier par exemple c’était la rentrée des classes au Kenya, et une hyène pas très loin de Nairobi a attaqué une écolière sur le chemin de l’école tôt le matin.
Au Kenya le nombre d’éléphants progresse, le braconnage a chuté de 50% en 2018 par rapport à l’an passé, portant la population d’éléphants à 35 000, est-ce que le problème est dû à la progression du nombre de bêtes ?
Marion Douet : Non, pas du tout. En fait même s’il y a une hausse de la population des éléphants, il y en a plus aujourd’hui qu’il y a trente ans au Kenya, mais le problème se situe plutôt au niveau de la pression démographique qui est très très rapide dans un pays qui compte plus de 50 millions d’habitants. Cette pression et le fait que beaucoup de gens vivent de l’agriculture fait qu’il y a une extension des surfaces agricoles, qui créent, elles, beaucoup de conflits avec les animaux, et particulièrement avec les éléphants.
Les éléphants qui plaisent davantage aux touristes qu’aux locaux on dirait. Tourisme qui est par ailleurs en forte hausse, après une période de creux ?
Marion Douet : Oui, les chiffres viennent juste d’être publiés. Il y a eu 30% de hausse du tourisme au Kenya l’année dernière par rapport à 2017, soit 2 millions d’arrivées sur le territoire l’an passé. C’est vraiment une très bonne nouvelle pour le pays, qui avait subi un gros plongeon, dû notamment aux attaques terroristes d’il y a quelques années. Le Kenya avait été aussi un peu injustement impacté par la crise d’Ebola, qui n’a pourtant eu lieu qu’en Afrique de l’Ouest. Il y a eu à cette époque une peur généralisée du touriste à l’idée d’aller en Afrique. Aujourd’hui les Kenyans sont très très heureux de ces bons chiffres.
Today’s Special d’Armel Hemme, du lundi au vendredi à 9h30
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