Auteur d’une dystopie futuriste située dans un Marseille en guerre, cet écrivain et monteur de cinéma nous balade ici dans une France qui, forcée de se rationner en électricité, interdira tous les transports à moteur : voiture, train, avion, bateau. Le pied !
« On savait que tout allait péter. » Juillet 2054. Suite à une palanquée de crises économiques, les États d’Europe occidentale se sont effondrés les uns après les autres. Marseille est la nouvelle capitale de la France depuis l’indépendance de Paris. Hélas, la cité phocéenne est le théâtre d’une guerre civile qui la ronge depuis trois ans, dans la foulée d’une panne générale d’internet. Une coalition fasciste a réussi à annexer la partie sud de Massilia, tandis que nombreux sont celles et ceux qui cherchent à tout prix à fuir le pays.
Ce futur indésirable et tendu où – comme si ça ne suffisait pas ! – les températures frôlent en moyenne les 55°C, c’est celui du troisième roman d’Aurélien Manya, Trois cœurs battant la nuit, qui vient de paraître dans la collection « L’Arpenteur » de Gallimard. L’un des trois cœurs, Sohan, s’apprête à embarquer sur un cargo direction le Maroc, présenté comme « une république jeune et dynamique où tout est possible ». Il devra pour cela traverser Mars de nuit, arme au poing, tandis que la femme qu’il aime, Layla, grimpera à l’arrière d’un camion-taxi en direction de Perpignan, qu’elle quitte ensuite pour quarante kilomètres de marche à pied vers un village coupé du monde, se retrouvant vite à court d’eau sous un soleil de plomb, mais « roulant » dans un torrent puis dégustant « ses deux dernières tranches de viande synthétique » à l’ombre d’un orme, décor d’une lumineuse renaissance.
Voyagerez-vous avec Aurélien ? L’homme en a sous les semelles. Rappelons que cet écrivain (Le temps d’arriver, Avec le feu) et monteur de cinéma (pour Des plans sur la comète de Guilhem Amesland ou Love & Bruises de Lou Ye) traversa les Ardennes à pattes de Charleville à Charleroi dans les bottines du « voleur de feu », sur le trajet de la deuxième fugue d’Arthur Rimbaud, parmi notre régiment de joyeux traîne-savates répondant au doux nom de « Rimbaud Warriors », le temps d’un épique documentaire littéraire diffusé sur Radio Nova en septembre 2018.
À bord de notre Arche, Aurélien Manya arpente une France qui, forcée de se rationner en électricité, interdit tous les transports motorisés : voiture, train, avion, bateau. « Les ventes de godasses personnalisées dépassent celles des concessionnaires automobiles » et les relations amoureuses, sociales ou professionnelles s’en trouvent bouleversées. Le pied !
Pour écouter Aurélien Manya lire un extrait de Trois cœurs battant la nuit à bord de L’Arche de Nova, c’est ici : https://www.nova.fr/news/aurelien-manya-demain-fera-chanter-les-eoliennes-36268-31-03-2020/
Réalisation : Mathieu Boudon.
Image : Les Chemins de la liberté, de Peter Weir (2010).