La jeunesse fustige la guerre contre la drogue menée par le président, comme le raconte le docu « Anarchy in the Philippines ».
Depuis son accession au pouvoir en juin 2016, le président philippin Rodrigo Duterte mène une war on drugs, guerre violente contre la drogue, visant le narcotrafic et ceux qui, d’une manière ou d’une autre, participeraient à entretenir cette activité.
Il déclarait quelques mois auparavant : « Si j’atteins le palais présidentiel, je ferai exactement ce que j’ai fait en tant que maire. Vous, les revendeurs de drogue, les voleurs, et ceux qui ne font rien, vous avez intérêt à dégager parce que je vais vous tuer ». Le photographe Daniel Berehulak publiait un reportage l’année dernière sur le sujet dans le New York Times, dénonçant un véritable « massacre ». Depuis 2016, plus de 12 000 personnes seraient mortes à cause de cette campagne anti-drogue.
Vous avez intérêt à dégager parce que je vais vous tuer
C’est en se penchant sur la politique de Duterte que la réalisatrice Jess Kohl a fait la découverte d’une scène punk animée dans les quartiers pauvres de Manille et de Tarlac, qui donne de la voix à une jeunesse qui souffre d’une guerre dont elle est la victime collatérale. Kohl en a fait un documentaire intitulé Anarchy in the Philippines.
Une playlist pour se mettre dans le bain :
La scène punk existe depuis bien avant Duterte aux Philippines. Elle s’installe dans le pays dans les années 80, avec des groupes comme Dead Ends, Urban Bandits, the Wuds, Private Stock ou encore Betrayed. Pour Jess Kohl, si la jeunesse d’aujourd’hui se l’approprie, c’est parce que le président lui donne quelque chose contre lequel il faut lutter. Elle parle de ces jeunes, qui à 12 ans comme à 30, ont fait du punk une philosophie de vie et du DIY (le do it yourself) un mantra. « Ils sont obligés de trouver des manières innovantes de se battre pour s’en sortir – ça peut passer par le tatouage, les bijoux, le flocage de t-shirt. » Les punks sont des victimes de cette guerre contre la drogue, surnommée « guerre contre les pauvres », comme l’explique l’un des personnages du documentaire, « si tu t’habilles différemment ici, tu es directement considéré comme un toxicomane ».
La musique punk m’a réveillé
Une communauté s’est constituée en réaction à la politique du gouvernement, mais aussi (et de manière plus évidente) pour la musique. Ton-Ton, lui, découvrait le punk à la fin des années 90. « À l’époque, c’était tellement dur de chopper des informations sur cette scène, sans ordinateur, sans caméra, juste via ses amis. Maintenant c’est super facile d’obtenir des informations sur le punk, les concerts. » Les Ramones, les Sex Pistols et les Clash lui offrent une porte d’entrée dans un monde qu’il trouve instantanément fascinant, « le punk rock est très énergisant, la musique parle de notre façon de vivre, et de la réalité. La musique punk m’a réveillé. C’est vraiment différent des autres genres de musique – les paroles sont vraiment passionnantes. »
Et lorsque l’on demande à Jess Kohl pourquoi ces jeunes ont choisi le punk pour exprimer leur besoin de liberté… « Le punk incarne la liberté même – il n’y aucun autre genre musical qui l’exprime aussi bien ».
Le documentaire Anarchy in the Philippines est disponible en intégralité ici :
Visuel : © Jess Kohl