Tous les moyens sont bons pour encourager le tourisme.
La Chronique Loin, une actualité culturelle de partout sauf en France, c’est tous les lundis à 8h45 avec Clémentine Spiler dans Pour que tu rêves encore, la matinale de Radio Nova. Vous pouvez lire la chronique de ce lundi ci-dessous, ou bien l’écouter, en podcast.
La Coupe du monde de rugby se tiendra au Japon dès le mois de septembre, avant les Jeux Olympiques de Tokyo quelques mois plus tard, en 2020. Le pays se prépare doucement au flot de touristes qui devrait se déverser sur l’archipel au cours de ces deux événements sportifs, et ce dans les moindres détails. Deux grandes enseignes d’épiceries viennent d’annoncer qu’elles arrêteraient de vendre des magazines pornos à partir du mois d’août, dans le but d’éviter de « donner une mauvaise image du pays ».
Le rugby encourage-t-il le puritanisme ?
Alors que certains considèrent que la Coupe du monde est ici utilisée comme prétexte pour mettre fin à un commerce de moins en moins lucratif (car dans le porno aussi, l’internet met à mort la presse papier), d’autres y voient la continuité d’une démarche politique destinée à policer un rapport au sexe aussi visible que tabou qui, selon le gouvernement, choquerait les touristes et attirerait un tourisme « sexuel » non désiré.
Les autorités essaient notamment de lutter contre la représentation de scènes violentes ou mettant en scène des enfants dans les magazines et mangas. Encore un tabou, puisque la détention de pédopornographie n’est un crime que depuis 2014 au Japon et le pays n’a modifié sa législation qu’à force de pressions internationales.
Shintaro Ishihara (qui fut notamment maire de Tokyo jusqu’en 2012), est particulièrement connu pour avoir créé beaucoup d’entraves législatives à l’industrie du sexe dans les red light districts de Tokyo et limité drastiquement la vente de mangas montrant des scènes de viol, de pédopornographie, ou d’inceste, ce qui avait d’ailleurs déclenché en 2010 une grève des auteurs qui se disaient bridés dans leur créativité.
Trop de sexe tue le sexe
L’industrie du sexe est aussi l’un fers-de-lance de l’industrie de pointe japonaise. Le pays est champion dans le domaine de la sex tech, cette industrie qui met les nouvelles technologies au service de la sexualité. L’archipel est notamment l’un des premiers fournisseurs de robots sexuels. Mais paradoxalement, le pays est victime d’une crise démographique à grande échelle. La population japonaise est extrêmement vieillissante et pour cause : les jeunes ne font plus l’amour.
Plus d’un tiers des 18-34 ans se disent encore vierges, et les hommes dénoncent une peur des femmes, voire un « traumatisme » lorsqu’ils sont rejetés. Les femmes, elles, peuvent difficilement prendre les devants en termes de drague et dénoncent une consommation abusive et paralysante du porno chez les hommes. Résultat : au lieu d’aller sur Tinder, les jeunes Japonais restent cloîtrés chez eux en navigation privée. Et en attendant, selon les estimations, la population japonaise pourrait baisser d’environ 40 millions d’ici trente ans.
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