Il est des mots qui vont qui viennent, il est des mots trois petits rôts et puis s’en vont. Il est de mots amalgamés, des mots composés, imbriqués, des mots oulipo, des mots liquettes, mi-robe mi-chemise, des mots valises, des mots qui ne s’usent que si l’on s’en sert, des mots que l’on suce avec délectation au petit matin, de mots jouissance, des mots à l’essai, des mots en démos, des mots démoniaques pour parler d’une vie covidée, anesthésiée à l’heure du couvre-feu.
Il est des mots qui s’inventent encore et encore pour dire notre monde, ses maux comme ses bravos. Je n’en ai inventé aucun, juste choisi, cueilli un bouquet un matin sur le net, à l’heure où rosit l’horizon, un bouquet de mots sauvages, qui ont fleurit sans faire de bruit dans la nuit cadenassée de l’an 1 de la covid.
J’ai cueilli pour vous
Airgasmer,
s’attestarder,
clubster,
facultatoire,
gelousser,
masquaras,
masquarpogne
Certains gagneront leurs lettres de noblesse, passeront à la postérité, et viendront finir leurs jours dans le dico. Je pense par exemple à airgasmer ou s’attestarder. Le premier qualifie l’instant précis où tu prends une première bouffée d’air et ton pied par la même occasion, en enlevant ton masque. Le second n’a guère besoin d’explication tant son sens est flagrant. Il s’agit mais vous l’aurez deviné je pense de remplir son attestation alors que vous êtes déjà dans la rue. Combien de fois cela vous est-il arrivé ?
Le clubster est lui l’endroit de rencontres pas dénué de risques, où tu retrouves ami.es et inconnu.es pour quelques pas danses ou pour un verre sans masque au comptoir.
Facultatoire, se dit d’une chose, d’une action qui est facultative et qui très vite devient obligatoire.
Gelousser consiste à envier son prochain qui s’enduit les mains de gel hydroalcoolo alors que nous, on en a plus.
Quant à masquaras et masquarpogne, les deux s’écrivent avec un q et ont avoir étymologiquement avec le masque et son port, un port désormais presque aussi célèbre que celui d’Amsterdam. Masquaras souligne d’un mot d’un seul, cette pratique très courante chez les porteurs de lunettes, qui consiste à porter son masque sous le nez.
Quant à masquarpogne, il évoque le port du masque à la main plutôt que sur le visage, port qui est rappelons-le est d’aucune efficacité, en matière de geste barrière comme de contravention. C’était donc mon bouquet de mots choisis, cueillis sur la toile il y a quelques jours, mots que je vous laisse mastiquer, siffloter, apprécier en bouche avant de les utiliser. Prenez en soin, ils sont précieux.