Le chanteur et pianiste romantique vient de mettre en ligne un album né d’un an de confinement volontaire. Et partage avec nous, depuis Montpellier, un texte inédit et animal, inspiré d’un absurde contrôle policier.
« – Voulez-vous sortir ? – Mais ! On ne peut pas. » Au tout début du dernier album de David Babin dit Babx, Les Saisons volatiles, deux amoureux semblent bien embêtés. Ils ne peuvent ni se voir ni s’embrasser. Est-ce à cause de l’air pollué ? « Dans les particules fines / je pense à Valentine / Ah, si je pouvais / je l’emmènerais / dans le parc à côté / où les enfants jouent au ballon / aller pêcher les papillons / s’allonger dans l’herbe tendre / dans ses bras toujours m’étendre / et regarder le ciel / la neige artificielle / C’est beau, la neige en été. » Que s’est-il passé ? Les saisons se sont-elles volatilisées ? Pour quelle raison les enfants continuent-ils à s’amuser, alors que les adultes paraissent interdits d’étreintes ? On ne le saura pas, mais la statue de la place de la République a disparu. « Ah, si je pouvais / je prendrais un vélo / je prendrais un bateau / pour emmener Valentine danser. » Dans le film co-réalisé avec Yvan Schreck qui accompagne le disque, les tourtereaux finissent par se retrouver, se dandinent de joie – mais avec un masque à gaz, précédant la chorégraphie d’un trio de dames chinoises aux visages couverts d’un masque sanitaire.
Romantiques et inquiètes, ces Saisons volatiles, qui sortiront officiellement à l’automne, sont nées il y a trois ans d’un confinement volontaire, d’une envie de piano solo composée dans un tout petit appartement niché au-dessus de Belleville. Pendant un an, l’auteur du superbe Ascensions (2017) ne quitte quasiment jamais son refuge, « laisse venir l’ennui et la solitude », tout en épiant par la fenêtre des femmes asiatiques d’âge vénérable qui chaque matin s’entraînent sur un terrain de basket – elles « s’inviteront dans ses chansons », puis à l’écran, en orientant l’artiste vers des atmosphères orientales.
Or, la réalité a rattrapé la fiction. « 2020 : cette fois nous sommes des milliards derrière nos fenêtres. Personne sur les terrains de basket, à part les arbres et les oiseaux », explique le musicien qui, depuis, a migré à Montpellier, où… il a vécu fin mars un absurde contrôle policier lors d’une sortie en amoureux. Ce qui lui inspire un texte inédit, esquisse d’une société animale qui aurait jailli d’un confinement très longue durée, où les flics seraient devenus des volatiles toujours occupés à verbaliser les citoyens, mais seulement « quand on ne s’embrasse pas dans la rue ».
Pour écouter l’album et voir le film, c’est ici.
Pour revoir Babx interpréter La Marche à l’amour de Gaston Miron sous l’ex-verrière de Radio Nova, c’est là.
Visuel © Les Saisons Volatiles, de David Babin & Yvan Schreck (2020).