La jeune anglaise dévoile le clip de « Baby Blu », l’un des plus grands morceaux de son album « Miss Universe ».
« Ce sont les enfants sages, Madame, qui font les révolutionnaires les plus terribles », écrivait le Français Jean-Paul Sartre dans Les Mains sales, en 1956. La Londonienne Nilüfer Yanya, tout juste âgée de 23 petites années, paraît effectivement en être, de ces enfants correctement élevés et contre lesquels on n’avait pas tellement besoin de lever la voix – elle grandit dans l’est de Londres aux côtés de parents artistes, et d’un père dont les œuvres ont même été exposées au British Museum – , jeunesse plutôt confortable qui ne l’a pas empêchée, parvenue à l’âge adulte, d’envisager le début d’une révolte. Certains, c’est un fait, voient au-delà du nombril.
Avec sa soeur, sensible à la crise humanitaire que traversent ceux qui sont contraints, chaque jour, de fuir leur foyer primaire, elle a d’abord fondé l’association Artists in Transit, qui donne des cours d’art et de musique à des réfugiés arrivés en Europe. Et puis voici Miss Universe, un album qui est parvenu ces dernières semaines après la parution de quelques EP (et une reprise du « Hey » des Pixies qui nous a permis de la découvrir), et qui se préoccupe, là encore, de libertés individuelles et collectives. Ces intermèdes sonores qui circulent çà et là au sein du disque, ainsi, évoquent par exemple les sociétés dystopiques dépeintes par Orwell, Huxley, K. Dick, Damasio, et qui paraissent, ici, bien réelles :
« Miss Universe est la voix au téléphone », dit-elle. « Elle s’appelle Miss Universe pour qu’elle ait l’air amicale. C’est comme les voix automatiques que nous entendons mais auxquelles nous ne pensons même pas. C’est une voix d’autorité ancrée dans notre société moderne, qui vous dit quoi faire sans que vous en soyez conscient ».
Ces libertés, et ces histoires de vie racontées sur dix-sept morceaux, elle les formule par le biais d’une pop maculée de rock, de jazz, de soul, et par le biais d’une délicatesse teintée, lorsque les mots deviennent trop durs à garder à l’intérieur, d’une tension bien visible.
Parmi ces petits chefs-d’œuvres, dont beaucoup ont défilé au cours des dernières semaines sur Nova (« Tears », « In Your Head » etc.), il y a « Baby Blu », grand instant de l’album illustré aujourd’hui par un clip tourné à Tokyo, genre de Lost in Translation sans Scarlett ni karaoké que l’on vous dévoile en exclusivité sur Nova.
Visuel © Molly Daniel