Après Saint-Ouen pour le galop d’essai, Montpellier et Lyon pour les deux premières éditions, c’est à Bordeaux que le troisième Bal de Nova, héritier new look des Nuits Zébrées, s’installe. Où exactement, s’enquerront illico les plus pressé.es de connaître l’affaire dans ses moindres détails ? À la Salle des Fêtes du Grand Parc, haut lieu du rock bordelais des années 70 et 80, un antre rénové et rouvert en 2018 après un quart de siècle de sommeil.
Dormir, ce n’est pas précisément le programme prévu pendant cette soirée, vous l’aurez deviné. Bien au contraire, c’est pupilles et tympans grands ouverts qu’on vous attend, avec une flopée d’invité.es de bon aloi sur le devant de la scène, le temps de quelques heures hautes en couleurs, au diapason de la façade mosaïque et chamarrée du lieu comme au son éclectique du « Grand Mix ».
Lançons les présentations avec Synapson, duo d’électroniciens constitué par Alexandre Chiere et Paul Cucuron qui, quand ils ne posent pas leur patte sur des morceaux de Yuksek, Bryan Ferry, Drake ou Calypso Rose, s’en donnent à cœur joie pour électriser les synapses alentour.
Usant des synthés et des machines, parfois de guitares pour compléter le topo, ils concilient mélodies pop, nuances jazz, pulsations deep house et grooves glanés au gré de leurs lubies voyageuses (leur dernier disque s’appelle Global Musiques Vol. 2) pour mixer les ambiances, embrasser les sonos et les cultures sous le signe d’un hédonisme contagieux. Un peu à la manière d’un Guts, si vous voulez leur tendre un modèle en miroir. Et le tout, en récusant au gré de leurs évolutions légères toute éventuelle étiquette-sparadrap French Touch X.0. Exemple avec ce « Beleza » au goût de Brésil très prononcé, qu’ils ne manqueront pas de jouer :
Pour poursuivre ce quarté dans le désordre, penchons-nous maintenant sur un habitué de la maison, l’ex-Bon Gamin montreuillois Ichon, ce Yann-Wilfried bien décidé à multiplier les tours — abracadabra, blue macadam, comme le stipule son arobase sur Insta. Toute une magie employée pour casser le vague à l’âme, pour casser les codes et la baraque, pour Kassessa, titre de son album paru en octobre dernier, avec son petit détournement du parental advisory explicit content — et playlisté « en natio » sur nos ondes.
Avec son verbe prolixe et impudique qui tient autant du freestyle que du flux de conscience, Kassessa prend par les cornes cette dépression au « front de taureau ». Pour cornaquer cet antagoniste vache, un peu de taurine n’a sans doute pas été de refus, mais Ichon s’appuie surtout sur une copieuse ration de rap abrasif, de beats dansants, de chanson française qui ne fait plus semblant d’être à l’ORTF, d’electropop mêlée de funk, et même de guitares, tantôt folk tantôt plus indie-rock, entre touches de flanger et explosions qui font tourner la tête au Linky.
Déballer traumas et louvoiements psychologiques sur la table et sortir de cette opération avec, dans l’assistance, une grande proportion de contrôlé.es positif niveau moral, voilà une performance peu commune. Et être peu commun, ça lui va pas mal, à Ichon.
Autres musiciens présents dans nos radars depuis un bail, encore l’occurrence ici presqu’une dizaine d’années, Papooz sera également des nôtres. Alter ego hexagonaux de Benny Sings, ce groupe bicéphale (une tête blonde, une tête brune : deux esprits pop) bouleverse toutes les coordonnées géographiques ; de quoi embrouiller plus d’un.e joueur.se de Geoguessr ; la Californie tout entière s’est dupliquée à portée de ricochet de la Côte Ouest atlantique (et si ça mordille un peu sur la Vendée, tant pis).
De « Ann Wants to Dance » aux singles annonçant leur album tout beau, tout neuf — une Papoozie-Nouvelles-Idées au nom de Resonate, sortie le 26 janvier -, Papooz promène avec la même sprezzatura ses harmonies indolentes et soignées, ses ritournelles égaillées de surf et de pop à la Beach Boys, de bossa nova alanguie, de cet AOR jouée dans les 70s par des squales jazzeux de studio qui savaient faire dodeliner de la tête et parapher les bandes originales de sessions cruising imaginaires.
Un air entêtant de Golden State qui ne sera pas la seule raison de filer à Armand Pénicaut et Ulysse Cottin (petit-cousin de Camille Cottin, vous faites ce que vous voulez de cette info) une médaille d’or sur le podium bordelais.
Et enfin, la dernière nommée, mais non la moindre comme le veut le dicton, il y aura aussi Myra. Chaînon manquant entre Arlo Parks et Cesária Évora (à qui elle rend hommage sur « Saudade Palace »), ou entre Chaton et Johan Papaconstantino, à votre guise, cette jeune artiste bedroom pop d’origine grecque, qui a récemment croisé notes et voix avec le Bordelais aupinard, s’installe au fil des années comme la représentante d’un RnB délicat aux vapeurs soul qu’elle décrit comme « intimiste, chaleureux et organique ».
Trois caractéristiques qu’on décèlera un peu, beaucoup, passionnément, sur les morceaux de son nouvel EP Passion Câlins, à venir pour ce printemps ; des morceaux qu’elle dévoilera, pour pas mal d’entre eux, en avant-première, et dont on ne doute pas une seule milliseconde de sa capacité à propager tous azimuts une conséquente quantité de bonnes ondes, aussi suaves que réconfortantes ; le viatique idéal pour comprendre, peut-être, pourquoi on entend « Myra » dans « admirable ».
Une quadruple dose de musique, entrecoupée de performances (et d’un ou deux arrêts au bar, pour celles et ceux qui le souhaitent), qui sera retransmis en direct sur toutes les antennes de Nova. Et si vous voulez être là, en chair, en os et en sourire, pour apprécier de visu et comme il se doit ce Bal de Nova, sachez que l’entrée est totalement gratuite, mais — attention ! — Sur réservation ; l’obligatoire, l’indispensable réservation préalable, à dégotter juste ici. Ou à remporter juste ci-dessous, au cas où les guichets seraient déjà clos.
Bal de Nova #3, le samedi 3 février à 18h00 @ Salle des Fêtes du Grand Parc (Bordeaux).