Des nuits étouffantes parce que les murs de l’appart ne cessent de surchauffer, des poubelles pleines de vers, un voisin qui prend votre porte ou votre ascenseur pour un urinoir, une clef qui casse dans la serrure, une cheville qui se tord, un portable qui se fracasse au sol : ce ne sont pas les possibilités qui manquent à la vie courante pour vous infliger un sévère croc-en-jambes en plein élan, encombrer de contraintes et de vicissitudes ce qui aurait pu être une trajectoire paisible voire, horizon béat, une insouciante folâtrerie sur les rives de fleuves de lait et de miel.
Heureusement, quelques carrés préservés savent offrir des haltes bienvenues, pour contrebalancer de (sou)rires joyeux la possibilité des pleurs, à la manière de ces deux masques qui symbolisent les arts de la scène. Banzaï Land peut se targuer d’appartenir à cette catégorie. Au fil des étés et de ses différentes implantations – tantôt dans la cour intérieure d’un ancien commissariat, le parvis des archives métropolitaines ou dans l’enceinte d’un collège désaffecté -, la sympathique colo à ciel ouvert du label bordelais ne s’est jamais départi de son crédo utopique et de ses louables intentions tressées autour de valeurs cardinales : créativité, solidarité, convivialité, liberté et ajoutons hédonisme, au besoin, afin de déroger à la rime en « -é ».
https://www.facebook.com/reel/193056380363563
Bienheureux donc qui s’aventurera, ce weekend du 30 juin et du 1er juillet, sur les pelouses du Quai des Sports, près des frontons, des installations de street workout, des terrains de basket et de beach volley. Au milieu de la scénographie imaginée par la Jimonière, les ouailles de Banzai Lab ont conspiré pour tresser de remuantes et radieuses girandoles d’afro-house, de tempos latinos, de grooves luxuriants qui baguenaudent entre l’Équateur et le Capricorne.
Qui ont-ils invités pour cela ? Commençons par citer le New-Yorkais Nickodemus : DJ, fondateur du label Wonderwheel (Tagua Tagua, Quantic, etc.), globe-trotteur impénitent toujours à la recherche du groove parfait, et inamovible maître à jouer des soirées « Turntables on The Hudson », classique noctambule de la Grosse Pomme. Voilà un pedigree qui installe un bonhomme, déjà. Ajoutons à ça que ce fan invétéré de trip-hop, de dub et de musiques latino-américaines, auteur d’incontournables classiques de Nova (et des années iPod), connait les lieux comme sa poche : passé à Banzaï Land il y a quatre ans de ça, le bon Nicko au swing tropical devrait se sentir comme chez lui.
On pourra aussi compter sur la DJ, productrice et chanteuse colombienne Jimena Angel, qui a fait ses premières armes musicales dans le groupe Papa Fresa, lorgnant sur les riddims reggae, les chaloupements cumbia et les touches synthétiques. Une curiosité insatiable dont la native de Bogota, déjà remarquée ici et croisée il y a peu (tout comme Tagua Tagua, d’ailleurs) auprès de Captain Planet, continue de faire preuve, aussi bien en live que lorsqu’elle se place derrière les mixettes, où elle fraye avec une agilité digitale indéniable avec le Cameroun funk d’Eko Roosevelt Louis comme avec d’emballants edits de disco brésilienne, via Débruit, Pedro Lima (la « voz do povo de São Tomé », récemment anthologisé par Bongo Joe) ou encore le Polyrythmo de Cotonou. Du bel art !
Enfin, mettons en avant la venue de Matteo. Initiateur de Chinese Man, qui est un groupe (dont le nouvel album arrivera en 2024) mais aussi un label (cher à notre camarade Sims), le Marseillais s’est également octroyé sa « pièce à soi », comme l’aurait écrit Virginia Woolf. Un projet parallèle, sous son nom propre, concrétisé notamment par son dernier album Matteo & Bro où il mêle le tonus cuivré du jazz à la verve du hip-hop et à ses beats électrocardiaques. Du hip-hop qui peut aussi être très summer vibes, lorgnant sur les clubs et le baile funk, comme sur son single « Joga Na Minha Cara », lâché en mai dernier. Un mélange remarquable qui ne manquera pas de provoquer son petit effet et d’émoustiller plus d’une cochlée sur les rives de la Garonne.
On pourra même profiter de l’allégresse générale pour souffler, en passant, les quinze bougies de Banzaï Lab, à qui l’on doit ces deux après-midis et ces deux soirs de bombance musicales aux larges horizons, l’édification éphémère de ce territoire entre utopie du groove et parc d’attractions alterno. Un territoire auquel la Radio Nova Bordeaux vous offre des passeports dûment validés, tamponnés, gratis, dans la poche ; ils s’obtiennent au guichet, là, en renseignant le formulaire juste ci-dessous avec le bon mot de passe Nova Aime.