Il y a des phrases qu’on se lasse – sinon, qu’on se mortifie – de dire et de répéter, ad nauseam. Les sons ont du mal à franchir la glotte. Et, à l’inverse, il y en a d’autres qu’on se réjouit, chaque fois un peu plus encore, de prononcer. Exemple : « Banzaï Land va bientôt revenir ». Où ça, me direz-vous, en 2024 ? À l’envers, à l’endroit, au Palais de l’Ombrière en VR ou au stade Mammouth-Atlantique ? Non, mieux : à la Cité Bleue. Un nom qui, forcément, éveille des réminiscences merveilleuses, des « il était une fois » tous contes faits, un peu Magicien d’Oz, un peu Tellier période My God is Blue nourri au mysticisme et aux pépitos, à René Char et Vangelis.
C’est bel et bien là, dans cette ancienne raffinerie sucrière de Bacalan, que Banzaï Land s’implante pour sa septième apparition. Sept, encore un chiffre de conte – capable de référer aux colocs de Blanche-Neige, aux lieues parcourues à chaque enjambée magique, aux sceaux du livre de l’Apocalypse (n’est-ce pas Ingmar ?), aux couleurs de l’arc-en-ciel, aux collines de Rome, que sais-je encore.
Après une dernière édition ramassée sur deux jours, c’est sur deux weekends – celui du 12, 13 et 14 juillet puis celui du 19, 20 et 21 juillet – que le label Banzaï Lab rouvre les postes-frontières de son QG estival – QG, pour quartier général, quartier génial, quartier généreux – et havre bienvenu au coeur des angoisses et des périls montant de toutes parts. Pour vous mettre dans le bain (de soleil), voilà la petite playlist mitonnée par les organisateur.rices ; on reprend la main juste après pour détailler un peu les festivités – même si on en profite aussi pour vous rappeler la naissance de Nova la Plage, ce serait dommage d’oublier la petite dernière de nos webradios.
Re ! À Banzaï Land, le label provençal Chinese Man Records aura ainsi ses ronds de serviette (de plage) réservés. Ça permettra à tout un.e chacun.e de se brancher, le 12 juillet, sur les bonnes ondes de la Baja Frequencia. Projet pensé à l’origine comme un simple one-night-stand, le duo a muté, a muri, a grandi et a soufflé il y a peu ses dix bougies. Dix années passées à faire parler la poudre, à allumer tous azimuts une salve de fusées sonores déflagrantes, chargées en reggaeton et en kuduro, en baile funk, en guaracha cubaine et en techno acide. Le tout avec une touche d’humour et une griffe volontiers féline, à en croire les noms de leurs EP, Catzilla, Sudamericat, Fast & Purrious, sans oublier l’album Hot Kats (clin d’oeil, jusqu’à la pochette, au Hot Rats de Zappa).
Et puis, le 21 juillet, c’est la DJ indienne Rasa, autre sociétaire de la maison marseillaise, qui officiera derrière les Pioneer. Si elle ne s’est mise à l’exercice que récemment (pendant le Covid), celle qui était jusque là ingénieure en informatique a pris du galon.
Avec fougue, talent, résolution, la Bangaloréenne combine influences indiennes et connexions dub, drum’n’bass, house, hip-hop. Comme dans ce mix délicat et dansant qu’elle nous avait délivré, fin 2022, pour l’émission « Néo Géo » ; un moment à réécouter comme un tour de chauffe avant qu’elle ne s’installe dans le fief banzaïen pour passer la surmultipliée, monter les basses, le volume et l’intensité d’un set s’annonçant en tous points palpitant, voire tachycardiaque. Quand une « force inarrêtable de la galaxie » est à la manoeuvre, c’est plutôt logique.
Les clefs et les croches du Banzaï Land seront également confiées, le temps d’un soir, à un habitué des lieux (il y a joué en 2022), en même temps qu’un des dépositaires les plus éminents de l’ADN sono mondiale : le camarade Fabrice Henry alias Guts. Ou Gutsy si vous voulez revenir à sa décennie de beatmaking auprès d’Alliance Ethnik. Mais si le hip-hop est toujours là, en filigrane, c’est davantage la polychromie d’un funk chatoyant et cosmopolite qui s’affiche à la une.
Pour qui serait ignorant du bonhomme et voudrait un avant-goût des marottes sonores qu’il déploiera pendant trois tours de cadran, ses compilations Straight From The Decks constituent une bouchée apéritive très recommandable. Guts sillonne les planisphères, papillonnant au gré des ronds de cire, tantôt en Colombie, tantôt au Ghana, et pourquoi pas au Canada, au Surinam ou à la Réunion ; toute une planète sur la platine, « one nation under a groove », comme dirait l’autre.
Du Dj-set à foison, donc, mais pas seulement. le live aura aussi son mot à dire avec la venue, sous les flonflons et les pétarades de la fête nationale, de l’Argentine Aluminé Guerrero. Récente sociétaire du label Wonderwheel Recordings – celui de Nickodemus, Quantic ou Tagua Tagua -, l’Argentine a notamment roulé sa bosse en ouvrant pour Manu Chao ou Chocolate Remix.
Bercée depuis sa plus tendre enfance par la folk andine, cette mélodiste née en Patagonie et aujourd’hui établie à Toulouse joue sur le corde hybride de folktronica, ce mélange de folk acoustique et de synthés tempérés, à la manière d’un Helado Negro, par exemple. Mais la folktronica d’Aluminé Guerrero s’accompagne surtout d’un charango (petite mandoline traditionnelle, proche du ukulélé) ou d’un pinquillo (une flûte sud-américaine), sous l’égide de la pachamama, la tellurique déesse-mère héritée de la cosmologie inca venant nimber les chansons d’une gaze de mysticisme – on n’ose dire d’un zaïmph, de crainte qu’un mercenaire ne s’en saisisse, comme dans Salammbô.
En attendant les lendemains qui chantent, voilà un Land qui nous en dessine quelques possibilités. Et le dernier (ou la dernière) arrivé.e est fan d’Éric Ciotti – qui ira se faire cuire le cul sur sa flamme facho.
Banzaï Land #7, les vendredi 12, samedi 13, dimanche 14, vendredi 19, samedi 20 et dimanche 21 juillet, à 17h00 @ Cité Bleue (Bordeaux). Entrée à prix libre. Tout le programme sur https://www.banzailab.com/banzailand-2024/